Les campagnes anti-torchage dans le monde commencent à porter leurs fruits, même si le processus de réduction est lent. Cette pratique industrielle consiste à brûler du gaz par des torchères lors des différentes étapes de la production pétrolière. En effet, lors de l’extraction de pétrole, du gaz et de l’eau peuvent remonter en surface. Une fois séparé de l’eau et du pétrole, le gaz, considéré comme un sous-produit, est brûlé sur site faute d’infrastructures de traitement (unité de liquéfaction, de compression, de purification) ou de transport (gazoduc).
Le torchage a reculé en 2022 de manière sensible en s’établissant à 139 milliards de mètres cubes, son plus bas niveau depuis 2010. Il n’empêche, que ce volume reste important et représente pour les Etats concernés des pertes de plusieurs milliards de dollars par an en plus de constituer une catastrophe écologique mondiale.
Mieux, «l’intensité du torchage mondial, c’est-à-dire la quantité de gaz brûlé par baril de pétrole produit, est tombée à son niveau le plus bas depuis le début de la collecte de données satellitaires, dans un contexte marqué par une augmentation de 5% de la production pétrolière en 2022. Une évolution qui témoigne du découplage progressif et durable de la production de pétrole et du torchage», selon un rapport du Partenariat mondial pour la réduction des gaz torchés (GGFR). Ce dernier est un fonds fiduciaire administré par la Banque mondiale et formé d’une coalition de gouvernements, de compagnies pétrolières et d’organisations multilatérales qui s’efforcent d’éliminer le brûlage systématique de gaz à la torche sur les sites de production pétrolière du monde entier.
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Il n’en demeure pas moins qu’au niveau mondial, en dépit de cette baisse, la quantité de gaz brûlé reste très importante. En effet, toujours selon les estimations de GGFR, 139 milliards de mètres cubes de gaz ont été brulés dans des installations pétrolières et gazières à travers le monde en 2022, contre 144 milliards de mètres cubes en 2021, soit une réduction de 3%. «La baisse équivaut au retrait de 3 millions de véhicules routiers», selon le rapport. Ce volume torché correspond aux consommations annuelles cumulées de gaz de l’Allemagne et de la France.
Le torchage s’explique par le fait que les compagnies pétrolières ne souhaitent pas investir dans la récupération du gaz accompagnant l’extraction du pétrole du fait que cela nécessité la mise en place d’infrastructures différentes de celles utilisées pour le gaz alors que la rentabilité des investissements est loin d’être assurée si les volumes de gaz associés ne sont pas importants et que les prix sur le marché mondial sont faibles.
Au niveau mondial, neuf pays sont responsables de la grande majorité du torchage: Russie, Iraq, Iran, Algérie, Venezuela, Etats-Unis, Mexique, Libye et Nigeria. «Ces pays représentent près des trois quarts des volumes de gaz torchés pour moins de la moitié de la production mondiale de pétrole», souligne le rapport de la Banque mondiale.
Seulement, au niveau africain, si trois pays figurent parmi les plus grands torcheurs de gaz au monde, le Nigeria se classe, selon la Banque mondiale, parmi les trois pays à l’origine de la plus grande part de la baisse constatée en 2022, avec le Mexique et les Etats-Unis.
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Mieux, le Nigeria a été le bon élève avec la réduction globale du volume de gaz torché de 1,3 milliard de mètres cubes en 2022, soit une réduction de 20% par rapport au niveau de 2021. Cette baisse s’explique en grande partie par la baisse de 14% de la production de pétrole du pays en 2022. L’intensité du torchage s’est donc améliorée, passant de 11,8 m3/bbl en 2021 à 11,1 m3/bbl en 2022.
La Libye aussi a contribué à cette réduction à hauteur de 0,5 milliard de mètres cubes.
Par contre, l’Algérie a été le pire élève parmi les plus grands torcheurs de gaz avec un volume de gaz brûlé en hausse de 0,5 milliard de mètres cubes de gaz.
Ainsi, les volumes de gaz torchés par l’Algérie, la Libye et le Nigeria se sont établis en 2022 à respectivement 8,66 milliards de m3, 5,45 milliards de m3 et 5,33 milliards de m3.
Toujours au niveau africain, l’Angola et l’Egypte, qui ne figurent pas parmi les grands torcheurs, ont réalisé des progrès substantiels en matière de réduction du gaz torché en valorisant et exportant sous forme GNL le gaz qui était destiné à être brûlé lors de l’extraction du pétrole.
Il faut noter que le torchage du gaz occasionne des pertes énormes pour les pays producteurs de pétrole. Ainsi, les trois plus gros torcheurs de gaz du continent ont brûlé l’équivalent de 20 milliards de mètres cubes de gaz en 2022. A supposer un cours moyen du mètre cube de gaz à 6 dollars, sachant que le cours du gaz naturel a flambé pour atteindre un pic à 10,028 dollars le m3 à cause de la crise Russie-Ukraine, cela équivaut à une perte de plus de 120 milliards de dollars!
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Les cours du gaz sont retombés dans le sillage de la baisse du prix du baril de pétrole à hauteur de 2,15 dollars actuellement. Ce qui n’encourage pas les compagnies pétrolières à investir dans la récupération du gaz.
Toutefois, pour les Etats producteurs, la récupération de ce gaz pourrait avoir des retombées positives. On peut ainsi réinjecter ce gaz dans le gisement pour renforcer la pression et améliorer le taux de récupération de pétrole, l’utiliser in situ comme source d’énergie pour les turbines électriques, l’évacuer vers des pipelines existants, le transformer en gaz de pétrole liquéfié GPL) et/ou en méthanol.
A titre d’exemple, pour le Nigeria, la captage de ce gaz pourrait permettre d’alimenter des centrales thermiques et générer de l’électricité. Raison pour laquelle le pays a adopté, en avril 2019, une loi qui interdit le torchage. En février dernier, ce premier producteur de pétrole africain a présélectionné 139 entreprises pour commercialiser le gaz torché jusqu’à présent par les compagnies qui exploitent le gaz et le pétrole nigérians.
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Toutefois, le pays est loin d’atteindre les résultats obtenus par des pays comme la Colombie et le Kazakhstan qui ont réduit leur volume de gaz torché de respectivement de 1 à 0,3 milliard de mètres cubes et de 4millions à 1,5 million de mètres cubes sur la période 2012-2021 en mettant en place des règlementations très strictes interdisant le torchage et la déperdition des gaz résiduels.
Des exemples que doivent suivre les pays africains pour réduire le torchage qui leur fait perdre des sommes colossales et des opportunités de produire de l’électricité. Il faut pour cela une volonté politique, des règlementations efficaces et des infrastructures adéquates.
En plus des impacts économiques, le torchage a aussi des impacts négatifs sur l’environnement à cause des émissions de C02. En effet, selon le rapport du GGFR, le brûlage a rejeté dans l’atmosphère 315 millions de tonnes de dioxyde de carbone et 42 millions de méthane.