Le transport aérien reste un véritable casse-tête en Afrique. Cherté des billets, longues distances, tracasseries douanières, faible rentabilité des compagnies aériennes… Autant de facteurs qui entravent le développement de ce secteur stratégique pour les économies africaines.
Pour y remédier, l’Union africaine avait lancé, le 28 janvier 2018 à Addis-Abeba, lors de la 30e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, le projet pilote de mise en place du marché unique du transport aérien africain (Mutaa). Un «open sky» continental qui, selon l’organisation panafricaine, devrait permettre de libéraliser et d’unifier les espaces aériens africains.
Lire aussi : Taxes aéroportuaires: voici les aéroports ayant les redevances les plus et les moins chères d’Afrique
Sur les 35 nations qui avaient adhéré solennellement à sa mise en œuvre, seules 21 ont signé le mémorandum d’implantation du marché commun. «Le Mutaa n’est que la continuité d’un projet similaire qui avait commencé depuis la fin des années 1990 avec la Déclaration de Yamoussoukro ratifiée par plusieurs Etats, qui était censé donner naissance à un marché ouvert qui permettrait le développement du transport aérien », indique Mansour Diop, expert en transport aérien, dans une déclaration pour Le360Afrique.
Plus de cinq ans plus tard, où en est ce projet ? Apparemment, il avance doucement mais sûrement. Récemment, le 14 novembre 2022, 17 pays (dont le Maroc, le Sénégal et l’Afrique du Sud) avaient lancé le programme pilote pour la mise en place de ce projet. Une rencontre organisée par la Commission africaine de l’aviation civile (Cafac). La participation de pays leaders dans le transport aérien en Afrique, comme l’Ethiopie et le Maroc, est de bon augure pour la concrétisation de ce projet.
Impact sur le prix des billets d’avion
Un projet qui n’a pu se concrétiser, notamment «à cause de la réticence de certains Etats signataires à ouvrir leurs lignes à d’autres compagnies du continent. La Cafac avait même créé un comité de suivi pour l’exécution des accords de Yamoussoukro», affirme Mansour Diop. En effet, les passagers souffrent énormément des tarifs exorbitants des billets d’avions, qui contrastent avec les prix abordables proposés sur les dessertes entre l’Afrique et l’Europe.
Lire aussi : Transport aérien: le retour aux bénéfices prévu en 2023, mais pas pour les compagnies africaines
De l’avis de plusieurs spécialistes, cette cherté est due aux nombreuses taxes, redevances et autres frais appliqués sur le billet d’avion par les Etats africains. A titre d’exemple, les taxes représentent 40 à 50% du coût total du billet d’avion en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
«Ce projet encouragera la multiplication des vols, ce qui permettra au continent de faire un maillage de ses différentes liaisons. Et par conséquent, proposer une offre plus diversifiée et plus importante. Une concurrence saine qui entrainera une baisse des tarifs au grand bonheur des passagers», explique M. Diop, qui a travaillé pendant 32 ans à l’ex-Air Afrique, notamment au siège de la compagnie à Abidjan.
Selon notre interlocuteur, le Mutaa sera aussi bénéfique pour les compagnies aériennes car «plus un avion vole, plus il est rentable». Cette rentabilité fait d’ailleurs défaut à plusieurs entreprises du continent. Les cas de Kenya Airways et de South African Airways sont assez illustratifs. Engluées dans difficultés financières, les deux entités prévoient de créer une compagnie panafricaine d’ici 2024 pour relancer leurs activités.
Lire aussi : Transport aérien: l’OACI évalue les pertes des compagnies africaines à 14 milliards de dollars en 2020
D’après l’expert, le projet du Mutaa a des chances d’aboutir. «Il y a une nouvelle dynamique avec dix-huit pays signataires. On constate aussi une volonté manifeste de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa) et de la Cafac pour mettre en place ce projet. Il est temps pour l’Afrique de libéraliser son ciel à l’image des pays européens et des Etats-Unis», souligne-t-il.
Un projet soutenu par l’IATA
La libéralisation du ciel africain, c’est aussi le souhait de l’Association internationale du transport aérien (IATA). Ce projet fait partie des six axes d’intervention prévus dans son nouveau programme Focus Africa, lancé le 3 avril 2023. Objectif: renforcer la contribution de l’aviation au développement économique et social du continent, améliorer la connectivité, la sécurité et la fiabilité pour les passagers et les transporteurs.
La sécurité aérienne, les infrastructures aéronautiques et la formation des compétences figurent aussi dans cette feuille de route que l’institution compte mettre en œuvre en collaboration avec des partenaires publics et privés. «L’Afrique représente 18 % de la population mondiale, mais seulement 2,1 % des activités de transport aérien (fret et passagers combinés). Combler cet écart afin que l’Afrique puisse bénéficier de la connectivité, des emplois et de la croissance que l’aviation permet, c’est l’objectif de Focus Africa», déclare Willie Walsh, DG de l’IATA, cité par un communiqué de l’organisation.
Lire aussi : Transport aérien: voici les pertes et les stratégies de sortie de crise des compagnies maghrébines
Le document précise que l’Afrique dispose d’une base solide pour favoriser l’amélioration de la contribution de l’aviation à son développement. Pour preuve, le secteur de l’aviation pré-Covid avait généré 7,7 millions d’emplois et 63 milliards de dollars aux économies africaines.
En clair, l’accélération de la mise en place du marché unique du transport aérien, qui entre dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’UA, permettra aux compagnies africaines d’être plus rentables et plus résilientes aux crises exogènes. Ces compagnies devraient perdre 213 millions de dollars en 2023, d’après l’IATA, principalement à cause des coûts élevés du carburant, de diverses taxes et redevances d’utilisation des infrastructures et des différents prélèvements statuaires. Le Mutaa pourrait aussi stimuler le développement du tourisme intra-africain plombé par la cherté des tarifs proposés.