C’est acté, en 2026, ce sera la vérité des prix qui s’appliquera sur les hydrocarbures en Tunisie. L’annonce a été confirmée par la ministre des Finances, Sihem Nemsia, en marge de la présentation de la loi de finances 2023. En clair, à partir de 2026, les prix à la pompe devront évoluer à la hausse ou à la baisse en fonction de l’évolution des cours mondiaux du brut sur le marché international. L’objectif étant de réduire le déficit budgétaire afin de préserver les équilibres macroéconomiques.
Cette décision fait partie d’un lot de conditions imposées par le Fonds monétaire international (FMI) lors des négociations pour l’octroi d’un prêt de 1,9 milliard de dollars sur 4 ans au pays nord-africain. L’institution financière juge en effet que le système de subvention des carburants tel qu’il est conçu est injuste, du fait qu’il profite aux familles les plus aisées et véhiculées, aux dépens des catégories plus vulnérables.
A noter que bien avant l’aboutissement de ces négociations, la Tunisie avait déjà entamé la libéralisation des prix à la pompe. Ainsi, les prix des carburants ont augmenté de 15,9% depuis le début de l’année à travers un mécanisme d’ajustement automatique des prix, comme cela est prévu par la loi de finances 2022, à raison d’une hausse de 3% par mois. Le mois dernier, la hausse a même été plus importante, atteignant les 5%.
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Face à l’impact de cette mesure, les autorités tunisiennes annoncent la mise en place pour les familles nécessiteuses de versements pécuniaires à la place de la compensation. Une plateforme sera mise en place à cet effet.
Toutefois, cette décision des autorités est loin de faire l’unanimité. Selon Abderrahmane Lahka, expert au département des études à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), cité par Tunis Afrique Presse (officiel), la levée de la subvention sur les hydrocarbures doit faire l’objet d’un dialogue sociétal. Il a ainsi expliqué, lors d’une rencontre organisée par l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE), que la levée de la subvention, qui est de 7 milliards de dinars tunisiens par an, devrait aussi s’accompagner d’une révision de la fiscalité sur les hydrocarbures afin de favoriser la baisse des prix à la pompe.
En effet, en Tunisie, à l’instar de la majorité des pays du monde, les prix des carburants sont majoritairement composés de taxes et impôts revenant à l’Etat. En conséquence, en réduisant les recettes fiscales tirées des hydrocarbures, les Etats ont la capacité de réduire fortement les prix à la pompe.
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Dans une analyse rendue publique le jeudi 27 octobre 2022, l’OTE indique que la levée de la subvention va avoir des impacts négatifs, du fait que les carburants sont des produits utilisés par plusieurs secteurs: transport, tourisme, agriculture, pêche… Par conséquent, la hausse des prix impactera négativement l’appareil économique tunisien en réduisant la compétitivité des secteurs productifs et en augmentant les coûts du transport. Cette situation va entraîner une accélération de l’inflation et donc une détérioration du pouvoir d’achat de la population. Et l’organisation ne croit pas vraiment à l’impact réel des transferts directs et ciblés aux ménages les plus vulnérables pour compenser l’augmentation des prix à la pompe.
Une chose est sûre: la Tunisie est aujourd’hui obligée de poursuivre cette politique d’élimination des subventions. Cela d’autant plus que le FMI est cette fois-ci décidé à obtenir les réformes structurelles qu’il attend du pays. Et parmi celles-ci figure en bonne place la levée des subventions non seulement sur les carburants, mais aussi sur les autres produits alimentaires.
Rappelons que même si la Tunisie a reçu la promesse du prêt du FMI, elle doit attendre la réunion du Conseil d’administration de l’institution de Bretton Woods, prévue en décembre prochain, pour être définitivement fixée. Une décision très attendue, sachant que le quitus du FMI est très attendu par les autres bailleurs de fonds du pays qui ont aussi coupé le robinet des prêts à la Tunisie.