Mardi, le camp gouvernemental a redit sa volonté de tourner la page: "Depuis le mois d'août 2016 (...) nous avons fait beaucoup de politique. Je pense qu'il est grand temps de nous recentrer sur l'essentiel", a déclaré le Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet, en présentant un gouvernement "d'ouverture", le deuxième depuis l'élection.
"Les élections sont derrière nous", ne cesse de répéter le pouvoir depuis l'investiture d'Ali Bongo fin septembre 2016 pour un nouveau mandat de sept ans, après un mois de tensions inédites dans ce pays pétrolier de 1,8 million d'habitants pacifique et relativement prospère.
Le 27 août, quelque 300.000 Gabonais -sur un peu plus de 600.000 inscrits- avaient voté dans le calme pour départager Ali Bongo et Jean Ping, ex-cadre du pouvoir passé à l'opposition.
Des violences sans précédent avaient éclaté dès l'annonce des résultats le 31 août (manifestations anti-Bongo, interpellations par centaines, Assemblée incendiée, assaut des forces de sécurité contre le QG de Jean Ping...).
Les troubles ont fait des morts, entre trois selon les autorités et une trentaine, selon l'estimation la plus fiable de l'opposition.
La crise avait fortement préoccupé les partenaires du Gabon, à commencer par la France, ancienne puissance coloniale, avec ses 10.000 ressortissants sur place, sa base militaire et ses entreprises dans le pétrole ou le BTP.
La Cour constitutionnelle a finalement validé fin septembre la réélection de M. Bongo (50,66% contre 47,24%) en rejetant le recours de Ping qui dénonçait des fraudes, notamment dans le fief présidentiel du Haut-Ogooué: 99% de participation et 95% des voix au dirigeant sortant.
Le scrutin a été entaché d'"anomalies" qui "mettent en question" le "résultat final", a estimé en décembre une mission d'observation électorale de l'Union européenne dans son rapport final.
Nostalgie
A l'annonce de sa réélection, Ali Bongo a proposé à l'opposition un "dialogue politique", qui s'est tenu entre avril et mai. Ce dialogue "inclusif et sans tabou", qui se voulait être la "brique qui (allait) soutenir la paix au Gabon", a débouché sur de petites réformes institutionnelles.
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"Quoi qu'ils fassent, ca ne va rien changer", soupire Marie, la trentaine, alors qu'elle apprend la composition du nouveau gouvernement qui doit traduire en lois les conclusions du "dialogue politique" et préparer les législatives repoussées à 2018.
Ping, qui a boycotté ce "dialogue", vient de lancer un appel à la désobéissance civile, resté sans écho majeur pour l'instant.
Les deux camps ont les yeux tournés vers La Haye. En juin, une mission préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) est venue recueillir des témoignages sur les violences post-électorales, à la demande de MM. Bongo et Ping. La CPI se prononcera d'ici la fin de l'année sur l'ouverture d'une éventuelle enquête.
Dans les "maquis" (bars de rue) de Libreville, les discussions portent souvent sur la situation politique et économique. "Il faut qu'on dépasse la gué-guerre des hommes et qu'on s'y mette tous ensemble pour reconstruire le Gabon", explique Jean, attablé devant un plat d'alokos (bananes frites). "Ce pays a besoin d'aller de l'avant, qu'on retrouve des emplois et de la croissance".
Car tout n'est pas rose dans ce pays couvert à 80% par la forêt, son autre richesse avec le pétrole: la dette a doublé entre 2015 et 2016, le déficit des comptes courants représente plus de 10% du PIB en 2016, alors que le pays affichait un excédent de 2010 à 2014, et la croissance du produit intérieur brut qui était de 3,9% en 2015 devrait baisser à 1% en 2017, selon l'estimation du Fonds monétaire international.
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Le FMI a d'ailleurs jugé que la situation économique restait "délicate" en accordant à Libreville un prêt de 642 millions de dollars en échange d'un effort d'"assainissement budgétaire".
Ces indicateurs, conséquences notamment de la chute des prix du pétrole depuis mi-2014, se traduisent par du chômage et des grèves. Le salaire minimum plafonne à 150.000 FCA par mois (225 euros) - quand il est versé.
Fatigués des crises, certains Gabonais en viennent à éprouver la nostalgie de l'époque du "père" - l'ex-président Omar Bongo, décédé en 2009 après 42 ans au pouvoir.