Guinée: accusations et révélations sur les massacres de septembre 2009

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Le 25/03/2017 à 10h28, mis à jour le 25/03/2017 à 23h53

Après l'inculpation de Toumba Diakité, le ministre de la Justice Me Cheik Sako entend faire entamer le jugement sur le massacre de septembre 2009 d'ici à la fin 2017. En attendant, Diakité, Dadis et Sékouba Konaté parlent de l'affaire. L'un devant les magistrats, les autres dans les médias.

Déjà inculpé pour une quinzaine de chefs d'accusation, Toumba Diakité a de nouveau été entendu jeudi par le pool de juges en charge de l'instruction du dossier. Son audition a duré plus de 6 heures à la Maison centrale de Conakry où il est écroué depuis son extradition le 12 mars dernier.

Durant cette deuxième rencontre avec les juges d'instruction, l'ancien garde rapproché de Dadis aurait de nouveau nié les faits et "démonté toutes les accusations qui le font du principal acteur" des tueries du 28 septembre 2009 au stade de Conakry. Selon le site mediaguinee.net, Toumba a dit s'être éloigné de la garde présidentielle de Dadis bien avant le massacre, le 28 septembre 2009.

Dans la matinée de l'audition de Diakité, son ancien patron Moussa Dadis Camara (en exil forcé au Burkina Faso) s'est dit prêt à rentrer en Guinée pour livrer sa part de vérité dès que la justice le voudra. S'exprimant sur l'émission phare de la radio Espace, Les Grandes Gueules, Dadis s'est néanmoins montré évasif sur les questions directement liées à celui qui aurait tenté de l'assassiner en décembre 2009. "Pour tout ce qui concerne l'affaire judiciaire, j'ai un pool d'avocats. Dire quoi que ce soit c'est vouloir me justifier...", a t-il dit en réponse à une question des journalistes. Dadis Camara a plutôt été bavard sur sa gestion de la transition de décembre 2008 à décembre 2009.

A cause du secret de l'instruction, les détails filtrent peu de l'audition de Toumba Diakité, alors que Dadis est désormais éloquent dans ses communications.

Mais il y a un autre qui a créé le buzz à travers une sortie médiatique intervenue tard dans la nuit de jeudi. Il s'agit de l'ancien président par intérim de la transition, le général Sékouba Konaté, moins inquiété pour l'instant dans ce dossier du 28 Septembre. Dans des entretiens avec deux sites locaux, Konaté cite depuis Paris les noms des militaires et civils mêlés au massacre.

Selon Sekouba Konaté, c'est Moussa Dadis qui est l'ordonnateur de cette tuerie de plus de 150 personnes (d'après une enquête de l'ONU). Ensuite, d'autres noms surprenants comme celui de l'opposant Bah Oury figure dans sa liste. Pourtant, le vice-président remplacé de l'UFDG était parmi les opposants à la junte, lors de la manifestation sauvagement réprimée.

Konaté n'a pas non plus épargné ceux qui sont considérés comme ses amis, à savoir l'homme d'affaires Kerfalla Person Camara alias KPC et l'opposant Baidy Aribot de l'UFR. Le général indique que ce sont les véhicules de KPC qui ont été utilisés par les hommes de Dadis pour faire disparaitre les corps.

Les autres noms cités par l'ancien Commandant de la force Africaine en attente sont ceux d'Isto Keira, actuel secrétaire général du ministère de la Jeunesse, Boubacar Barry, actuel ministre de l'Industrie, le général Alpha Ousmane Diallo de l'inspection générale des Forces armées et Biro, fils d'un ancien président de l'Assemblée nationale dont le père était très respecté par le chef de la junte, Dadis Camara.

Les ripostes n'ont pas tardé. Baidy Aribot estime que son ami n'est plus normal. "Après réflexion, je me suis dit qu'il doit avoir un problème psychique. Je demande au gouvernement de le sauver parce qu'il n'est plus normal", a-t-il dit. "Vous ne pouvez pas être à N'Zérékoré (à près de 1.000 kilomètres de Conakry) et dire ce qui se passe à Conakry", a dit Isto pour rappeler que le général n'était même pas à Conakry au moment des faits. "En attendant de vérifier, je suis vraiment désolé que ce soit Sékouba Konaté... Je suis lié en rien dans cette affaire. J'avais la logistique, mais aucun véhicule de ma société n'a été utilisé à d'autres fins", s'est exprimé KPC dont le fils porte le nom de Sékouba Konaté.

Rappelons que le massacre du stade en septembre 2009 avait fait, selon une enquête de l'ONU, 157 morts, plus d'une centaine de blessés, des dizaines de disparus et plus de 100 viols lors d'une manifestation de l'opposition dans l'enceinte du stade du 28 septembre de Conakry en 2009.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 25/03/2017 à 10h28, mis à jour le 25/03/2017 à 23h53