Un peu partout en Afrique, à l’instar du reste du monde, l’inflation gagne du terrain, y compris dans les pays où elle était toujours historiquement basse, à l'instar de la zone CFA. Au niveau de la zone l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), le taux d’inflation est ressorti en avril 2022 à 6,7%, largement supérieur à la norme communautaire de 3%. Toutefois, ce taux cache des divergences énormes. A titre d'exemple, au Burkina Faso, l’inflation est ressortie à un niveau record de 15,1% le mois dernier en glissement annuel, après une hausse de 13,5% le mois précédent, essentiellement à cause des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées dont les prix ont augmenté de 25,7% en avril 2022.
Au Nigeria, première puissance économique et pays le plus peuplé du continent, le taux d’inflation s’est établi 16,8% en avril, tiré par la hausse du prix des carburants et des produits alimentaires, notamment le pain et les céréales. L’inflation alimentaire, elle, a atteint 18,4% à cause notamment de la flambée du prix du blé en hausse de plus de 68% en glissement annuel. Combinant forte inflation, un chômage élevé et une faible croissance, la plus grande économie d’Afrique est en proie à une stagflation.
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En Egypte, seconde puissance économique africaine, le taux d’inflation a atteint 14,9% en avril et s’inscrit depuis plusieurs semaines sur une pente ascendante, tirée par la flambée des prix des légumes (+32%), poissons et fruits de mer (+12,1%), fruits (+11,9%)… Premier importateur mondial de blé dont les cours ne cessent de grimper (13 milliards de tonnes), le pays a maintenu le prix du pain grâce aux subventions étatiques.
Cette flambée des prix est partout synonyme de perte de pouvoir d’achat. La situation est plus grave dans certains pays du fait de l’absence de filets sociaux pour amortir l’impact de cette hausse. C'est le cas dans des pays où les subventions des denrées alimentaires de première nécessité (huile, farine, pain, etc.) et d’autres produits, dont particulièrement les carburants, tendent à atténuer l’impact de la flambée des prix. Du coup, l’accès aux produits alimentaires se pose avec beaucoup d’acuité dans de nombreux pays du continent, et ce sont les ménages ayant de très faibles revenus qui sont les plus touchés.
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La situation est d’autant plus inquiétante en ce qui concerne la sécurité alimentaire au niveau du continent que l’année a été marquée par des sécheresses aigues dans de nombreux pays, notamment ceux du Nord, du Sahel et de l’Est. Rien qu’en Afrique de l’Est, ce sont plus de 20 millions de personnes qui sont menacées de famine. Des sécheresses qui entraînent des baisses de production céréalière et même des pénuries de produits agricoles au moment où ces denrées deviennent rares dans le monde. Ainsi, un pays agricole comme le Maroc, touché par une sécheresse aigue, va voir sa production céréalière chuter de 60% cette année, ce qui va le pousser à importer davantage pour satisfaire les besoins de sa population.
Par ailleurs, en plus des capacités financières limitées de certains pays face à la flambée des cours des produits agricoles et des hydrocarbures, les problèmes d’approvisionnement se posent aussi avec beaucoup d’acuité dans le sillage des conséquences de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, deux pays greniers du monde pour de nombreux produits agricoles, dont notamment le blé, le maïs, le tournesol… Les deux pays représentant 30% du commerce mondial de blé, la crise a entraîné une pénurie de cette céréale devenue essentielle dans l’alimentation mondiale avec les changements des habitudes de consommation dans lesquelles le pain et les pâtes occupent des places fondamentales.
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A cause de la crise russo-ukrainienne, le cours du blé flambe. Celui-ci a augmenté de 40% depuis le déclenchement de la guerre entre les deux pays fin février dernier. Il a atteint ce mardi 17 mai un niveau record de 438,25 euros la tonne sur l’Euronext, un niveau jamais atteint sur ce marché, et ce, au lendemain de la décision de l’Inde, deuxième producteur mondial de blé après la Chine avec une production dépassant les 100 millions de tonnes par an, soit 14% de la production mondiale, d’interdire les exportations de blé à cause de la sécheresse aigue que traverse le pays et réserver la production à sa population de 1,4 milliard d'habitants.
A noter que certains pays se sont procurés du blé sur le marché spot (livraison immédiate) à des prix très largement supérieur à ce cours. C’est le cas, dernièrement, de l’Algérie qui a acheté fin avril 500.000 tonnes auprès du Mexique à un prix compris entre 570 et 590 dollars la tonne, frais de transport inclus.
Enfin, cette poussée inflationniste est entretenue par la forte hausse des cours des hydrocarbures dans le sillage de la guerre en Ukraine. Le cours du baril se situe au-dessus de la barre des 100 dollars depuis le déclenchement de ce conflit et le baril du Brent de la mer du Nord s’est établi à 115 dollars ce mardi 17 mai, poussé à la hausse par les intentions d’embargo sur le pétrole russe par les pays européens. Et ce niveau élevé du cours de l’or noir impacte le fret maritime et renchérit le coût des importations des produits alimentaires. De même, à l’intérieur des pays, les hausses des prix des carburants consécutives à la flambée du cours du pétrole entretiennent l’inflation à cause de leurs effets sur le transport des marchandises, dont les produits alimentaires.
Bref, à cause de la conjugaison de tous ces facteurs, il y a un risque élevé que de nombreux pays du continent soient touchés par des crises alimentaires aigues. Et si jusqu’à présent de nombreux gouvernements ont géré la situation tant bien que mal, grâce notamment à divers leviers (interdiction d’exportation de produits agricoles et alimentaires, transferts sociaux, subventions, élimination des taxes et impôts sur certains produits alimentaires…), ces mesures risquent d’être insuffisantes, surtout si la tension entre la Russie et l’Ukraine s’enlise et que l'approvisionnement en produits agricoles et alimentaires devient plus tendu et que la flambée des cours du baril de pétrole perdure.
Par ailleurs, tout semble indiquer que la situation devrait se corser davantage dans les semaines à venir. C’est dire que le risque de crise alimentaire au niveau de nombreux pays du continent est bien réel. Et dans certains pays, c’est déjà une réalité. C’est le cas notamment des pays d’Afrique de l’Est, où 20 millions de personnes sont menacées de famine, alors que dans les autres pays, la flambée généralisée des prix à réduit fortement le pouvoir d’achat de la classe moyenne et paupérisé les couches les plus vulnérables. Pire, cette inflation galopante à deux chiffres pourrait entraver la croissance des économies africaines en détournant les investisseurs du continent et entraver le développement du continent.
Reste que cette crise, après celle de la pandémie de Covid-19, devrait pousser de nombreux pays africains à revoir leurs politiques de développement en remettant au goût du jour des politiques agricoles avec des ambitions nationales et régionales visant à assurer l’autosuffisance alimentaire. Et vu le potentiel agricole (plus de 60 millions d'hecatres de terres arables et de nombreux cours d’eau), l’Afrique a les moyens de se nourrir et même de nourrir le monde, si les bonnes initiatives agricoles sont prises.