En dépit du format adopté sous forme de tables rondes afin d’éviter la succession de discours fleuves des dirigeants du monde présents, cette 6e édition du Sommet Union européenne-Union africaine a été pauvre en annonces. Pourtant, avec la présence d’environ 80 chefs d‘Etat et de gouvernement, la rencontre avait pour objectif de lancer les bases d’un «partenariat rénové» entre l’Europe et l’Afrique.
Hormis les 150 milliards d’euros, annoncés il y a quelques jours au Sénégal par la présidence de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les deux jours de rencontres n’ont connu qu’une seule véritable annonce, celle concernant l’implantation de 6 sites de production de vaccins ARNm au niveau du continent africain. Les pays ont été choisis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s’agit de l’Afrique du Sud, de l’Egypte, du Kenya, du Nigéria, du Sénégal et de la Tunisie.
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Toutefois, il faut rappeler que certains pays africains sont déjà engagés dans le processus de production de vaccins ARNm. C’est le cas du Sénégal et du Rwanda qui devraient recevoir incessamment des kits des unités de production de vaccins ARNm. Quant à l’Afrique du Sud, elle a déjà inauguré en janvier dernier une unité de fabrication de vaccins financée par le milliardaire américain d’origine chinoise des biotechnologies Patrick Soon-Shiong, né en Afrique du Sud. Et les premiers vaccins seront produits sur ce site dès cette année avec l'objectif d’atteindre 1 milliard par an de doses de vaccins de 2e génération à l’horizon 2025. Ce site de production ultramoderne est le fruit d’une collaboration entre NantWorks, les instituts de recherche sud-africains et 4 universités locales.
Ce médecin milliardaire, qui a fait fortune dans les biotechnologie, compte transférer la technologie à ARNmessager (ARNm) de son entreprise californienne NantWorks aux scientifique sud-africains qui travaillent sur de nombreuses maladies: cancer, tuberculose, VIH… L’homme d’affaires américain a fait fortune avec un médicament anti-cancéreux appelé Abraxane.
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Cette annonce reste importante sachant que l’Afrique ne produit que 1% des vaccins dont elle a besoin annuellement. C’est dire que la dépendance du continent aux vaccins importés est inquiétante, comme l'illustre la pénurie de vaccins anti-Covid-19 au début de la pandémie et la pénurie de vaccins pour les enfants lorsque le laboratoire indien Institute Serum of India s’est tournée principalement vers la production de vaccins anti-Covid-19.
En élargissant les pays producteurs de vaccins ARNm à d’autres pays du continent, l’OMS va contribuer à atténuer le déficit en production de vaccins.
L’OMS contribuera à la formation du personnel des 6 pays et la Commission européenne, avec la France, l’Allemagne et la Belgique, vont investir 40 millions d’euros pour aider au transfert technologique.
A noter que les unités implantées dans ces 6 pays vont produire des vaccins anti-Covid-19, mais aussi de l’insuline ou encore un traitement contre le cancer.
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En aidant à lancer des pôles régionaux de production de vaccins, l’OMS et l’Union européenne souhaitent aider le continent à fabriquer 60% des vaccins dont il a besoin à l’horizon 2040.
Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, s’est certes, félicité de cette annonce, mais en soulignant qu’«il n’est pas acceptable que l’Afrique soit systématiquement en queue de peloton en matière d’accès aux médicaments. Nous acceptons l’aide qui nous est offerte, mais ce n’est pas un mécanisme viable à long terme». Pour lui, il faut aller plus loin dans le transfert de technologies. Seulement, sur ce point, les Européens continuent de s’opposer à une levée des brevets des vaccins, demandée avec insistance par les Africains, en particulier par le président sud-africain. La question sera à nouveau débattue au printemps prochain à Bruxelles.
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Concernant l’enveloppe de 150 milliards d’euros, une stratégie d’investissement visant à contrer l’influence chinoise, les pays européens annoncent que ce montant vise à «aider des projets voulus et portés par les Africains», en accordant la priorité aux infrastructures de transport, aux réseaux numériques et à l'énergie, selon la déclaration finale. Seulement, sur le financement des infrastructures et de l’énergie, les Européens ont une longueur de retard sur les Chinois à l’origine de la quasi-totalité des grands projets actuellement en cours de réalisation en Afrique subsaharienne. Selon le président français Emmanuel Macron, «l’UE veut être le partenaire de référence pour le financement des infrastructures, et le faire de manière exemplaire en termes de climat, de qualité, de soutenabilité».
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Et afin de rompre avec le passé, un «mécanisme de suivi» est prévu tous les 6 mois afin de s’assurer que les financements des projets «débouchent sur des résultats tangibles».
Enfin, concernant le volet climatique, la présidente de la Commission européenne a mis l’accent sur la nécessité de muscler les investissements dans les énergies renouvelables: hydroélectricité, solaire et hydrogène vert.
Enfin, concernant le volet de réallocation d’une partie des DTS -Droits de tirage spéciaux- des pays développés au sein du FMI au profit des pays pauvres, une idée chère au président sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine, les pays européens trainent les pieds. Ils n’ont redistribué collectivement que 13 milliards de dollars sur les 55 milliards déjà réalloués par les pays riches à l’Afrique. Ce montant est en deçà de celui demandé par les Africains, soit 100 milliards de dollars.