Maroc-Entretien: Hassan Ouriagli détaille la vision africaine de la SNI

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Le 17/03/2017 à 08h07, mis à jour le 17/03/2017 à 08h08

Depuis 2014, la SNI a initié sa mutation vers un fonds d’investissement panafricain. Celle-ci se concrétise via l'engagement du groupe dans plusieurs projets visant à renforcer sa présence sur le continent. Son PDG, Hassan Ouriagli, décrit les réalisations et les ambitions africaines de SNI.

Afrique développement, qui en est à sa 5e édition, est devenue une sorte de Davos africain. Dans la stratégie africaine du Maroc, quelle place occupe cette rencontre initiée par Attijariwafa bank, filiale du Groupe SNI?

Avec plus de 900 entreprises et 2.000 dirigeants et hauts responsables pour cette cinquième édition, le forum Afrique Développement est devenu effectivement un rendez-vous incontournable pour les opérateurs économiques africains, une sorte de “Davos africain“ selon votre expression. Ce forum permet aux participants d’échanger des expériences et plus concrètement de faciliter la recherche de partenaires ou de financements pour un projet. Ainsi depuis sa création, le forum a réuni plus de 5.500 opérateurs issus de 36 pays dont 24 pays d’Afrique, générant plus de 13.000 réunions d’affaires. Cet événement attire de plus en plus d’opérateurs et contribue au rayonnement du Maroc auprès des décideurs et entrepreneurs africains comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte à travers plusieurs témoignages directs.

SNI a initié un processus de mutation vers un modèle de fonds d’investissement panafricain. Quels sont concrètement les axes de la stratégie de développement de la SNI dans le continent?

L’objectif de la mutation entamée depuis fin 2014, sous l’impulsion de nos actionnaires, est de transformer la SNI en un fonds d’investissement panafricain de référence à long terme, pour des projets de grande taille, catalyseurs de progrès aux niveaux local et régional. La stratégie de développement de la SNI consiste, d'une part à renforcer et à développer les cinq participations de la SNI opérant actuellement en Afrique pour en faire des leaders africains et d'autre part, d'y investir dans de nouveaux domaines professionnels que nous jugeons prometteurs, notamment l'énergie et l'hôtellerie.

Comment se développent les participations du Groupe en Afrique?

Parmi les participations opérant en Afrique, toutes ne sont pas au même niveau de développement. Attijariwafa bank s’est imposé comme le leader en Afrique francophone et l’objectif est désormais de s’implanter dans les pays anglophones du continent, notamment l’Egypte, le Rwanda ou encore certains pays d’Afrique de l’Est.

Nous ambitionnons également d’investir dans l’exploitation aurifère à travers Managem, qui a une production d’or actuellement relativement limitée. L'objectif est d’atteindre une production importante de 250.000 onces (soit 7,5 tonnes environ) à horizon 2020. L’investissement récent dans le gisement important de Trik en Guinée Conakry, estimé à 3 millions d’onces de ressources, répond à cette logique. Nous prospectons également activement au Ghana, au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

De même, le groupe a pour ambition de faire de Wafa Assurance un leader en Afrique francophone à travers des acquisitions ciblées mais aussi par le déploiement du modèle de bancassurance qui a été bien rodé au Maroc et en Tunisie avec beaucoup de succès.

Il y a également le partenariat avec Lafarge Holcim…

Notre joint-venture récente avec LafargeHolcim en Afrique subsaharienne a pour objectif, convenu avec notre partenaire, de devenir numéro 1 dans les 12 pays d’Afrique francophone, ciblés par le partenariat. Pour rappel, nous le sommes déjà en Côte d’Ivoire et au Cameroun qui sont des pays pivots de la région.

Aujourd’hui, notre expérience en Afrique nous a montré l’importance d’avoir un réseau solide, composé de spécialistes chevronnés de l’Afrique, pour nous développer. A ce sujet, le forum Afrique Développement permet des échanges constructifs et enrichissants entre des dirigeants du continent. Ce qui est toujours très positif.

Exclusif. Hassan Ouriagli parle… d’Afrique

Le fait que certaines de vos filiales soient déjà bien positionnées sur le continent est-il un atout permettant d’atteindre rapidement vos objectifs de développement?

La SNI a construit en moins de 15 ans une forte présence en Afrique sub-saharienne. Nous opérons désormais dans une vingtaine de pays et 5 métiers différents avec souvent des positions de leadership. Cette présence, construite patiemment grâce aux équipes du groupe et au prix de beaucoup d’efforts, est évidemment un atout énorme pour la SNI et sa stratégie africaine, via le partage régulier de bonnes pratiques et d’expériences, ainsi qu’une collaboration entre les différentes participations du Groupe. Wafa Assurance, qui s’appuie fortement sur la présence de Attijariwafa bank pour son développement africain, en est un exemple. Nous avons aussi institué un séminaire Afrique annuel rassemblant les PDG et DG des participations permettant le partage de bonnes pratiques.

Les filiales du groupe SNI opèrent principalement dans les pays francophones d'Afrique de l'ouest et centrale. Comptez-vous réorienter votre politique dans le sillage de la nouvelle politique initiée par le Maroc ?

SNI a historiquement amorcé son développement en Afrique dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et Centrale. Cette région jouit en effet de relations privilégiées et historiques avec le Maroc qui ont facilité la concrétisation de nombreux projets.

Notre stratégie est aujourd’hui d’étendre les opérations des participations du groupe à l’ensemble des pays africains à fort potentiel, y compris dans les pays anglophones.

A titre d’exemple, Attijariwafa Bank est en cours de finalisation de l’acquisition de Barclays Egypt et a procédé à la signature d'un protocole d'accord, en vue d’une prise de participation majoritaire dans la Cogebank au Rwanda. D'autres opportunités d'investissement sont actuellement à l'étude dans d'autres secteurs.

Ouriagli déroule la nouvelle stratégie de la SNIComment évaluez-vous le couple risque-rendement de vos investissement en Afrique?

Nous disposons d’un conseil d’administration comprenant plusieurs administrateurs chevronnés, représentant nos actionnaires tant institutionnels que de référence. La transformation annoncée fin 2014 a permis d’améliorer la gouvernance grâce à la constitution de plusieurs comités spécialisés, dont le comité stratégique qui revoit l’ensemble des investissements majeurs en Afrique. Chaque projet est ainsi évalué en premier lieu sur son intérêt stratégique et sa capacité à créer de la valeur sur le long terme. Les risques sont analysés et discutés. Il est à noter que la diversification naturelle induite par des investissements variés sur plusieurs métiers et différentes géographies permet une large atténuation des risques.

Le groupe reste par ailleurs très attaché à son engagement dans la responsabilité sociale et environnementale en Afrique, y compris le Maroc, ce qui en fait un critère d’investissement à part entière.

Le groupe est également attaché à la problématique du changement climatique et nous avons affiché, lors de notre participation dans la Cop22, la volonté de partager notre expérience dans les énergies renouvelables avec d’autres pays africains.

Peut-on envisager un partenariat entre la SNI et un grand investisseur africain, à l’image de ce qu’a fait l’OCP avec le nigérian Dangote, pour accélérer son développement?

A travers son soutien stratégique et financier, la SNI accompagne ses participations dans l’atteinte de leur plein potentiel, seul ou en co-investissement avec des partenaires de premier plan.

Le groupe peut tout à fait envisager des partenariats avec des institutions africaines dès lors que ceux-ci sont jugés créateurs de valeur pour l’ensemble des parties prenantes.

Peut-on voir la SNI investir dans d’autres domaines que ceux où ses filiales opèrent déjà en Afrique?

La SNI ambitionne d’accompagner et de soutenir les participations déjà opérant en Afrique pour en faire des leaders africains. A cet égard, ce qui a été réalisé par les équipes de Attijariwafa bank est tout à fait remarquable et s’impose comme un modèle pour nos autres métiers. Les matériaux de construction sont aujourd’hui le 5e secteur où la SNI, en partenariat avec LafargeHolcim, numéro 1 mondial, déploie une stratégie panafricaine, après la banque, les mines, la distribution spécialisée et plus récemment l’assurance.

A l’avenir, nous ambitionnons d’étendre ce modèle à l’énergie et l’hôtellerie.

La SNI a de grandes ambitions dans le domaine de l’électrification en Afrique, avec un objectif d'installation de 5000 à 6000 MW en énergie propre avant 2025. Où en êtes-vous avec ce projet?

Effectivement, Nareva a conclu un partenariat ambitieux avec le groupe Engie pour investir ensemble dans les énergies propres en Afrique du Nord et en Afrique sub-saharienne. Notre objectif commun est le développement d'un portefeuille d'actifs supplémentaire de 5 à 6 GW entre 2017 et 2025. Nous avons des discussions régulières avec notre partenaire Engie et nous avons actuellement un certain nombre de projets communs en cours d’évaluation.

Plus globalement, est-ce que la stratégie d’investissement de la SNI dans le continent passe forcément par ses filiales existantes, ou bien peut-on concevoir des prises de participation directes dans des groupes ou entreprises africaines?

Nous n’excluons rien à priori mais nous avons déjà fort à faire avec les 5 métiers opérant actuellement en Afrique (banque, assurance, distribution spécialisée, mines, ciments) qu’il faut faire grandir ainsi qu’avec l’énergie et l’hôtellerie pour lesquels nous espérons concrétiser des implantations à l’étranger très prochainement. Cela génère beaucoup de travail d’analyse ainsi que des besoins en capitaux conséquents.

J’ajoute que nous analysons chaque mois un grand nombre de dossiers mais nous restons prudents dans notre approche de développement pour créer de la valeur pour nos actionnaires et contribuer au développement du continent africain.

Selon vous, quels sont principaux obstacles que peuvent rencontrer les véhicules d’investissement comme la SNI en Afrique?

Selon les pays, les investisseurs en Afrique sub-saharienne sont quelquefois confrontés à des pesanteurs bureaucratiques. Néanmoins, on peut noter une amélioration progressive sur ce volet qui va dans le bon sens.

Cependant, le capital humain représente le principal défi en raison du déficit en managers expérimentés créant une forte concurrence pour attirer les talents locaux, l’expatriation ne pouvant être qu’une solution à court terme.

Par Par Mar Bassine Ndiaye Moussa Diop et Younes Tantaou
Le 17/03/2017 à 08h07, mis à jour le 17/03/2017 à 08h08