Jusqu’à ce coup d’Etat, condamné par l’Union africaine et la France, ce pays d’Afrique centrale riche en pétrole était dirigé depuis plus de 55 ans par la famille Bongo. L’opposition dénonce régulièrement la «dynastie Bongo» dans un pays où la corruption est endémique.
Dans un message vidéo posté sur les réseaux sociaux où il apparaît manifestement inquiet, Ali Bongo, 64 ans, appelle en anglais tous ses «amis dans le monde entier pour leur dire de faire du bruit» à propos «des gens qui (l)’ont arrêté».
Mais à Libreville ou Port-Gentil, la capitale économique, ce sont des foules joyeuses qui ont célébré «la libération du Gabon».
Dans le quartier populaire Plein Ciel de Libreville, un membre du personnel de l’AFP a vu une centaine de personnes sur un pont, à pied ou en voiture, crier: «Bongo dehors!». Au son des klaxons, ils ont salué et applaudi des policiers en tenue anti-émeutes et visage masqué.
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A Port-Gentil, la capitale économique, sur la place du Château d’eau, quartier populaire et bastion de l’opposition, des centaines de personnes ont klaxonné en criant «Le Gabon est libéré». Certains ont dansé avec des policiers et des militaires en tenue, a rapporté Ousmane Manga, journaliste indépendant contacté par téléphone par l’AFP.
«Un Gabonais normal»
Ali Bongo «est mis à la retraite, il jouit de tous ses droits. C’est un Gabonais normal, comme tout le monde», a affirmé le chef de la garde présidentielle, qui apparaît déjà comme le nouvel homme fort, le général Brice Oligui Nguema, au journal français Le Monde.
Ali Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père Ali Bongo Ondimba, pilier de la «Françafrique», qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans.
Le chef de l’Etat déchu a été placé en «résidence surveillée, entouré de sa famille et de ses médecins», ont assuré les putschistes, mais l’un de ses fils, Noureddin Bongo Valentin, a été arrêté notamment pour «haute trahison».
De même que six autres jeunes hauts responsables de la Présidence, parmi lesquels le directeur de cabinet de M. Bongo et son adjoint, des conseillers de la présidence ainsi que les numéros un et deux du tout-puissant Parti démocratique gabonais (PDG).
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Le général Oligui, lui, a été porté en triomphe par des centaines de militaires de la Garde républicaine, l’unité d’élite puissamment armée et garde prétorienne des Bongo depuis des décennies.
Il a laissé toute la journée des colonels de différents corps d’armée lire les communiqués à la télévision mais les putschistes devraient annoncer dans la soirée les mesures et la durée de la « transition » au nom de laquelle ils ont pris le pouvoir, ainsi que le nom de celui qui la dirigera.
Les réactions internationales à ce nouveau coup d’Etat dans un pays d’Afrique francophone n’ont pas tardé: la Chine a appelé à «garantir la sécurité d’Ali Bongo», Washington dit «suivre de très près» la situation, tandis que la France, ex-puissance coloniale, a «condamné le coup d’Etat militaire».
La Russie a fait part de sa «profonde préoccupation» et l’Union africaine a condamné «fermement la tentative de coup d’Etat» et appelé les militaires «à garantir l’intégrité physique» du président, de sa famille et de ses ministres.
«Tourner la page»
Juste après la proclamation en plein coeur de la nuit de la victoire de M. Bongo à la présidentielle de samedi avec 64,27% des voix - son principal rival Albert Ondo Ossa, recueillant 30,77% des voix et dénonçant des fraudes massives-, un groupe d’une douzaine de militaires était apparu sur les écrans de la chaîne de télévision Gabon 24, abritée au sein même de la présidence.
Réunis au sein du «Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI)», ils ont «décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place», a annoncé un colonel.
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«Il n’avait pas le droit de faire un troisième mandat, la Constitution a été bafouée, le mode d’élection lui-même n’était pas bon. Donc l’armée a décidé de tourner la page, de prendre ses responsabilités», a fait valoir le général Oligui Nguema au Monde.
Les militaires ont décrété la dissolution de toutes les institutions du pays et ordonné la fermeture des frontières du Gabon «jusqu’à nouvel ordre».
Les sept hommes arrêtés par les putschistes, dont le fils Bongo, incarnent la «jeune garde», un groupe de très proches et influents conseillers du chef de l’Etat depuis le retour d’une longue convalescence de M. Bongo à la suite d’un AVC en 2018.
L’opposition et la société civile accusaient régulièrement les membres de cette «jeune garde» d’être devenus les véritables dirigeants du pays parce que, selon elles, Ali Bongo était très affaibli par les séquelles de son AVC.
Ce coup d’Etat est intervenu en plein couvre-feu et alors qu’internet était coupé, deux mesures décrétées par le gouvernement samedi avant la fermeture des bureaux de vote afin de parer selon lui à d’éventuelles «violences».
Internet a été rétabli peu après 07H00 GMT.
Ali Bongo briguait un troisième mandat, réduit de 7 à 5 ans, aux élections de samedi qui regroupaient trois scrutins, présidentiel, législatifs et municipaux.