A l’issue d’une conférence durant laquelle il a déroulé «dix ans de succès», il a dit vouloir «se présenter pour continuer à rêver avec un nouveau mandat». J’invite «tous les électeurs à voter, et ce, même si ce n’est pas pour moi», a-t-il ajouté.
Alors que ses concurrents dénoncent des « attaques » contre leurs partisans, des milliers de personnes soutenant le chef d’Etat avaient été acheminées par bus vers des places dans toutes les grandes villes où leur liesse était retransmise en direct sur la scène où M. Sissi parlait.
«Nous sommes tous sortis dans la rue pour soutenir le président Abdel Fattah al-Sissi pour ses grands projets, il n’y a personne de mieux pour l’avenir», lançait un de ses partisans à l’AFP, Hassan Afifi, instituteur venu avec ses élèves sur une place du Caire.
En 2014 puis en 2018, M. Sissi l’avait emporté avec 96% puis 97% des voix face à une opposition soit laminée par une répression implacable soit fantoche.
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Même si les experts ne doutent pas de sa victoire, les candidatures d’opposants qui s’en prennent directement au président et à la puissante armée dont il est issu se multiplient, fait inédit depuis sa prise de pouvoir.
Outsider
Les proches de plusieurs leaders de partis historiques assurent avoir recueilli les 20 signatures de députés nécessaires pour postuler à la magistrature suprême.
Un ex-député de 44 ans habitué aux sorties anti-Sissi, Ahmed al-Tantawy, a fait, lui, le choix de recueillir les signatures de citoyens.
Il lui en faut 25.000 pour faire valider sa candidature et depuis une semaine, il sillonne le pays pour accompagner ses partisans qui vont faire enregistrer les signatures dans les administrations.
Il a affirmé que son téléphone avait été mis sur écoute, que des dizaines de ses partisans avaient été arrêtés et son équipe de campagne annonce chaque jour que des signatures sont refusées ou des partisans agressés.
«Attention, la pression (...) c’est dangereux. Nous appelons tout le monde à la raison mais ça ne veut pas dire qu’à la fin ils pourront nous dire: ”désolés, vous n’avez pas assez de signatures”», a-t-il prévenu.
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Les vidéos de ses partisans scandant des slogans en pleine rue dans un pays où manifester est interdit, ses interviews à des médias indépendants et son insistance à mener campagne pour un «Etat de droit» sont une nouveauté en Egypte où le débat public a été réduit à néant depuis 2013.
En face, M. Sissi se soumet au vote pour la troisième fois -la dernière selon la Constitution qu’il a fait modifier en 2019 pour pouvoir se représenter et prolonger son mandat de quatre à six ans.
Il a prévenu samedi les 105 millions d’Egyptiens, déjà étranglés par une inflation à 40% et une dévaluation de 50%, qu’il fallait qu’ils fassent des «sacrifices».
«Famine»
«Si la construction, le développement et le progrès doivent se faire au prix de la faim et des privations, ne dites jamais ”on préfère avoir à manger”», a-t-il dit.
Les réseaux sociaux, où les Egyptiens se sont longtemps gardés d’être trop virulents tant les arrestations pour des écrits en ligne se sont multipliées, se sont aussitôt enflammés.
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«Je suis choquée, il nous propose la famine», dénonce une internaute. «Normalement on fait des promesses électorales, même mensongères, lui, il promet la famine», s’insurge une autre.
Dimanche, une autre de ses déclarations a fait scandale: «je peux détruire le pays (...) avec 100.000 pauvres si je leur donne une barrette de shit, 1.000 livres égyptiennes et des cachets de Tramadol».
Une sortie qui a rappelé à des Egyptiens la «révolution» de 2011 lorsque le régime avait mobilisé des hommes de main pour attaquer les manifestants.
Les autorités ont avancé la présidentielle de plusieurs mois pour pouvoir procéder dans sa foulée, selon les experts, à une nouvelle dévaluation.
M. Sissi affirme avoir vaincu le «terrorisme» et fait du «développement» sa priorité.
Les économistes, eux, dénoncent des méga-projets pharaoniques -villes nouvelles dont la nouvelle capitale, trains à grande vitesse, ponts et routes- qui n’ont fait que siphonner les caisses de l’Etat et tripler la dette.