Antony Blinken est le plus haut responsable américain à visiter le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique depuis novembre 2020, date du début de la guerre entre le gouvernement fédéral et les autorités rebelles de cette région du nord de l’Ethiopie, à laquelle a mis fin un accord de paix signé le 2 novembre 2022 à Pretoria, la capitale sud-africaine.
«Ces fonds vont fournir un soutien vital à ceux touchés et déplacés par le conflit, la sécheresse et l’insécurité alimentaire en Ethiopie», a souligné Blinken en visitant un centre logistique de l’ONU à Addis Abeba.
Cette somme double presque l’assistance humanitaire américaine à l’Ethiopie pour 2023 , la portant à 780 million de dollars, selon le département d’Etat.
Elle est destinée «à tous - pas seulement un groupe ou une région», a souligné Blinken, indiquant implicitement qu’elle n’était pas réservée au Tigré; «nous voulons faire en sorte que quiconque en ait besoin reçoive cette aide».
Selon l’ONU, plus de 22 millions de personnes, soit près d’un cinquième des 120 millions d’Ethiopiens, ont besoin d’aide alimentaire, en raison des violences à travers le pays ou de la sécheresse qui ravage la Corne de l’Afrique.
«Etablir les responsabilités des atrocités»
Dans la matinée, Blinken a rencontré son homologue et vice-Premier ministre Demeke Mekonnen, puis le Premier ministre Abiy Ahmed qui dirige l’Ethiopie depuis 2018.
«Il y a beaucoup à faire. Le plus important étant probablement d’enraciner la paix qui s’implante dans le nord», a déclaré Blinken avant ces entretiens, soulignant «l’objectif de renforcer la relation entre les Etats-Unis et l’Ethiopie».
Durant sa rencontre avec Abiy, Blinken «a discuté de l’importance d’établir les responsabilités des atrocités perpétrées par toutes les parties durant le conflit (au Tigré) et de la nécessité d’un processus de justice de transition», a indiqué le porte-parole du département d’Etat Ned Price.
Human Rights Watch et Amnesty International ont exhorté Blinken à pousser pour que justice soit rendue pour les atrocités qui ont marqué ce conflit.
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Washington a qualifié certaines de crimes contre l’humanité et exclu en janvier 2022, au grand dam d’Addis Abeba, l’Ethiopie de l’Agoa, initiative américaine exemptant de taxes les exportations de certains pays africains.
«Nous avons des relations anciennes et il est temps de les raviver et d’avancer », a lancé M. Demeke en accueillant le chef de la diplomatie américaine.
«Nous avons convenu de renforcer les relations bilatérales anciennes entre nos pays, avec une promesse de partenariat», a affirmé M. Abiy sur Twitter, à l’issue de la rencontre, qui a duré deux heures et demie selon le département d’Etat
Prix Nobel de la paix en 2019 pour avoir mis fin à 20 ans de guerre ouverte ou larvée avec l’Erythrée voisine, Abiy est, depuis le conflit au Tigré, passé aux yeux de Washington de symbole d’une nouvelle génération de dirigeants africains modernes à quasi paria.
Conflits sanglants
Abiy Ahmed a envoyé en novembre 2020 l’armée fédérale au Tigré, accusant les autorités régionales qui contestaient son pouvoir depuis plusieurs mois d’y avoir attaqué des bases militaires.
La région était alors dirigée par le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti ayant gouverné de fait l’Ethiopie de 1991 à 2018, progressivement marginalisé par Abiy, arrivé au pouvoir après plus de deux ans de contestation populaire.
Le conflit a débordé dans les régions voisines de l’Amhara et de l’Afar, dont les forces ont soutenu l’armée fédérale, également appuyée par l’armée de l’Erythrée, ennemie historique du TPLF.
L’accord de Pretoria a été négocié et signé sous les auspices de l’Union africaine (UA), mais les Etats-Unis ont joué un rôle crucial auprès des belligérants, selon des sources diplomatiques.
Le bilan exact est difficile à évaluer mais les Etats-Unis estiment que quelque 500.000 personnes ont péri durant ce conflit, plus que depuis l’invasion russe de l’Ukraine.
Si les combats ont cessé au Tigré - dont l’accès est toujours interdit à la presse - d’autres régions éthiopiennes restent le théâtre de conflits sanglants, souvent liés au réveil, sous le gouvernement de Abiy, de revendications identitaires et foncières.
La visite de Blinken, qui se rendra ensuite au Niger, intervient également sur fond d’efforts du président Joe Biden pour contrer les influences croissantes sur le continent de la Chine et - plus récemment - de la Russie.