Guinée. Le général Doumbouya candidat à la présidentielle: continuité ou parjure?

Les partisans de Mamadi Doumbouya réclamant sa candidature.

Le 05/11/2025 à 11h17

VidéoLes partisans de Mamadi Doumbouya avancent que la nouvelle Constitution n’interdit pas au président de la transition de se présenter à la présidentielle du 28 décembre. En revanche, ses opposants lui rappellent son serment de remettre le pouvoir aux civils. La Cour suprême devra trancher sur le dossier de celui qui a pris le pouvoir en septembre 2021 à la faveur d’un putsch.

Le calme apparent qui règne à Conakry ces derniers jours a été brusquement ébranlé lundi 3 novembre. Le général Mamadi Doumbouya, président de la transition et au pouvoir depuis le coup d’Etat de septembre 2021, a déposé son dossier de candidature à la Cour suprême, dernière étape avant la validation des candidatures à la magistrature suprême.

Ce geste, hautement symbolique, intervient alors que la nouvelle Constitution vient tout juste d’être promulguée. Si le texte ne contient aucune disposition interdisant expressément au chef de la transition de se présenter, cette candidature ravive un débat politique et moral de fond.

Pour Laye Moussa Kouyaté, politologue et acteur des droits humains, la candidature du général Doumbouya relève d’une lecture ouverte de la Constitution. «Après sa promulgation, cette Constitution ouvre la voie au à la candidature du président de la transition», analyse-t-il. «La Constitution n’interdit pas cette démarche. Elle n’a pas fermé la porte à une candidature du général Doumbouya. Et il faut le souligner, elle autorise même les candidatures indépendantes».

Pour le politologue, cette décision s’inscrit dans une logique politique maîtrisée. «Nous, politologues, estimons que c’est de la stratégie. Si un président de la transition décide de se présenter, il doit l’assumer, le communiquer clairement et convaincre la population du pourquoi et du comment de sa décision».

À l’inverse, les rangs de l’opposition dénoncent ce dépôt de candidature comme une entorse grave à l’esprit de la transition. Oumar Sanoh, président du Bloc Libéral, estime que la décision du général Doumbouya met en péril la crédibilité du processus démocratique. «Je crois que tous les signaux étaient là, et nous avons alerté», rappelle-t-il.

«Le président ne devait pas succomber au chant des sirènes qui lui dit qu’il est le seul à pouvoir sauver la Guinée. Tout le regard est désormais tourné vers la Cour suprême, qui doit avoir le courage d’examiner les candidatures, y compris celle du général Doumbouya, et de dire le droit».

Selon M. Sanoh, la candidature du chef de la transition souffre d’illégalité morale. «Il a prêté serment de ne pas être candidat à ces élections. En se présentant, il trahit cet engagement. On ne peut pas être juge et partie à la fois. Cette transition devait être un moment de neutralité, pas une rampe de lancement pour une candidature».

Le dépôt de candidature du général Doumbouya vient désormais placer la Cour suprême au centre du jeu politique. Elle doit examiner la conformité juridique de tous les dossiers déposés avant la clôture officielle de la période d’enregistrement.

Entre partisans d’une lecture strictement constitutionnelle et défenseurs d’une éthique de la transition, le débat révèle une fracture profonde dans la classe politique guinéenne. La Cour suprême, appelée à se prononcer sur la validité des candidatures, devient le véritable arbitre du processus. Son verdict, attendu dans les prochains jours, dira si la candidature du général Mamadi Doumbouya est juridiquement recevable et, plus encore, politiquement acceptable.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 05/11/2025 à 11h17