La Guinée Bissau élit son président avec l’espoir de tourner la page des tumultes

Le président bissau-guinéen Umaru Sissoco Embalo.

Le 19/11/2025 à 06h42

S’éloigner des turbulences politiques et tourner définitivement la page des coups d’Etat et tentatives de putsch qui ont jalonné leur histoire: les Bissau-Guinéens vont élire dimanche leur prochain président avec l’espoir de voir leur pays avancer vers un avenir moins incertain.

La Guinée-Bissau figure parmi les pays les plus pauvres au monde, avec près de 40% de sa population vivant sous le seuil de pauvreté, et est connu pour être une plaque tournante du trafic de drogue entre l’Amérique latine et l’Europe, qu’a favorisé la longue instabilité politique du pays.

Quelque 860.000 électeurs sont appelés à choisir parmi 12 candidats, dont le président sortant Umaro Sissoco Embalo, donné favori, avec pour enjeu majeur la stabilité dans un pays ayant vécu depuis son indépendance au rythme des crises politiques, avec notamment quatre coups d’Etat et une kyrielle de tentatives de putsch.

«Nos parents se sont battus pour libérer ce pays. Mais les héritiers ont tout détruit pour des intérêts personnels. Nous ne voulons plus entendre parler de violence, de coups d’Etat. Ça suffit maintenant!», assure Djibril Sanha, un enseignant de 30 ans.

Les 2,2 millions de Bissau-Guinéens attendent aussi du prochain président qu’il améliore leurs conditions de vie - santé, éducation, infrastructures... - et réclament des emplois et des réformes lutter contre la pauvreté, la corruption ou l’emprise du trafic de drogue.

Dossier rejeté

S’il était réélu pour un deuxième quinquennat, Umaro Sissoco Embalo serait le premier chef de l’Etat du pays à effectuer deux mandats successifs depuis l’instauration du multipartisme en 1994.

Face à lui se présentent notamment l’ex-président José Mario Vaz (2014-2020) ou l’opposant Fernando Dias.

La précédente présidentielle, en 2019, avait débouché sur plusieurs mois de crise post-électorale, M. Embalo et son adversaire Domingos Simoes Pereira, membre du PAIGC, l’ex-parti unique, revendiquant tous deux la victoire.

Malgré le rejet de ses recours, M. Pereira n’a cessé de contester l’élection de son adversaire, finalement reconnu comme président par ses pairs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

La candidature à la présidentielle 2025 de M. Pereira, principal opposant, revenu récemment d’exil pour concourir, a été rejetée par la Cour suprême qui a jugé son dossier déposé trop tardivement.

La coalition formée autour du PAIGC, mouvement historique ayant mené par les armes l’ancienne colonie portugaise à l’indépendance, a été exclue pour le même motif des législatives, prévues le même jour, durant lesquelles seront élus les 102 députés du Parlement.

Celui-ci a été dissous, alors qu’il était dominé par l’opposition, en décembre 2023 par le président Embalo qui gouverne depuis par ordonnances.

L’opposition qualifie de «manipulation» l’exclusion du PAIGC des scrutins présidentiel et législatifs et estime que le mandat du président Embalo a expiré depuis le 27 février, cinq ans jour pour jour après son investiture.

«Tentative de subversion»

Malgré ces critiques, la campagne se déroule dans le calme et les différents candidats parcourent le pays avec leurs cortèges de voitures et de motos ornées de drapeaux.

Directrice  de l’Observatoire des économies illicites en Afrique de l’Ouest, Lucia Bird doute toutefois que le scrutin apporte au pays une «stabilité accrue» et redoute, comme en 2019, des «allégations d’irrégularités» après le scrutin.

«En Guinée-Bissau, les problèmes surgissent généralement après les élections», souligne-t-elle.

Le président Embalo, 53 ans et son prédécesseur José Mario Vaz sont les seuls chefs d’Etat en 30 ans ayant terminé leur mandat, les autres étant soit mort de maladie, soit ayant été tués ou renversés.

Depuis son accession au pouvoir en 2019, M. Embalo affirme avoir été la cible de plusieurs tentatives de coups d’Etat. Fin octobre, à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, l’armée avait affirmé avoir déjoué une «tentative de subversion» et arrêté plusieurs officiers, sans donner d’autres détails.

Selon Mme Bird, le président Embalo est en «position de force» pour remporter un deuxième mandat. «Cela s’explique en partie par le fait qu’il a pu mener sa campagne sans restrictions, contrairement à l’opposition, qui a été confrontée à de fortes limitations», comme le manque de moyens, explique-t-elle.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 19/11/2025 à 06h42