Le chef de la principale coalition d’opposants, Ahmed Nejib Chebbi, a appelé le président à «quitter ses fonctions immédiatement», face à une participation de seulement 8,8% samedi au premier tour.
Il s’agit du taux le plus bas depuis la révolution de 2011 qui avait chassé du pouvoir le dictateur Zine El Abidine Ben Ali et fait émerger la première démocratie du monde arabe.
«C’est un grand désavoeu populaire pour le processus» démarré le 25 juillet 2021, quand Kais Saied avait gelé le Parlement et limogé son Premier ministre, s’emparant de tous les pouvoirs, a déclaré M. Chebbi à l’AFP.
Les Tunisiens «ont tourné le dos à son processus illégal», a poursuivi Chebbi, le président du Front de Salut national (FSN), dont fait partie le mouvement d’inspiration islamiste Ennahdha, bête noire de Saied et ancien parti majoritaire au Parlement jusqu’à l’été 2021.
Il a appelé les autres formations politiques à «s’entendre sur la nomination d’un haut magistrat», capable de «superviser une nouvelle élection présidentielle».
Ce fiasco électoral va compliquer, selon le FSN, les négociations entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de près de 2 milliards de dollars, dont le pays très endetté a un besoin urgent.
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Ces législatives représentent le point final de l’édification d’un système hyperprésidentialiste par le président Saied, élu en 2019, avec l’élection d’un Parlement privé de l’essentiel de ses pouvoirs après une révision constitutionnelle cet été.
Jusqu’à présent critiques du processus lancé par Saied, les Etats-Unis ont qualifié dimanche la tenue de ce scrutin de «premier pas essentiel vers la restauration de la trajectoire démocratique du pays».
Même si, selon le Département d’Etat américain, la forte abstention «renforce la nécessité d’élargir davantage la participation politique au cours des prochains mois».
Le nouveau mode de scrutin interdisait toute affiliation politique pour des candidats le plus souvent inconnus, ce qui a contribué à faire chuter la participation, selon les experts.
Le FSN et la plupart des autres formations politiques, dont le Parti destourien libre d’Abir Moussi (anti-islamiste), boycottaient en outre le vote. Autre opposante de poids, Mme Moussi a elle aussi demandé la démission de Saied.
«Situation bloquée»
Le taux très bas «est un désaveu personnel pour M. Saied qui a décidé tout tout seul», a analysé le politologue Hamadi Redissi, estimant que «sa légitimité est en cause».
Toutefois, «la situation est bloquée» car «il n’existe aucun mécanisme juridique pour destituer le président» dans la nouvelle Constitution, a-t-il dit à l’AFP.
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Le nouveau Parlement, qui ne sera constitué qu’après un deuxième tour d’ici début mars, n’a pas cette compétence et peut, au mieux, censurer le gouvernement mais à l’issue d’un processus complexe.
Pour le politologue Slaheddine Jourchi, «ce taux reflète l’absence de confiance du peuple».
Reste que l’opposition «est faible et divisée» entre d’un côté le camp laïc et progressiste, et de l’autre le FSN coalisé autour d’Ennahdha, selon Redissi.
Il y a «peu de chances qu’elle s’unisse tant que ne sera pas résolue la question Ennahdha», a-t-il dit, à propos de cette formation à laquelle une bonne partie des Tunisiens imputent les échecs économiques et sociaux de la dernière décennie.
La faible participation vient du fait que «le peuple est énervé contre la situation économique et la cherté de la vie», selon Hamdi Belgacem, un chômeur de 37 ans interrogé dans la rue dimanche.
«Il nous a promis des investissements et il n’a pas tenu ses promesses. Il nous a promis beaucoup de choses qu’il n’a pas tenues», a-t-il dit en soulignant avoir soutenu le coup de force de Saied l’an passé.
Abdelsalem, un retraité de 70 ans, comprend lui aussi les «citoyens qui ont boycotté le scrutin» car «ils sont dépourvus, pauvres, au chômage et pensent à la migration clandestine».