«Le gouvernement de la République du Soudan a notifié au secrétaire général des Nations unies qu’il a déclaré M. Volker Perthes (...) persona non grata à compter d’aujourd’hui», a indiqué dans un communiqué le ministère soudanais des Affaires étrangères.
M. Perthes se trouvait jeudi à Addis Abeba, en Ethiopie, pour une série d’entretiens diplomatiques, avait annoncé plus tôt l’ONU sur Twitter.
Le chef de l’armée soudanaise, le général Abdel Fattah al-Burhane, avait réclamé le limogeage du haut diplomate, l’accusant d’être responsable de la guerre qui a éclaté le 15 avril entre ses troupes et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo.
Dans une lettre adressée à l’ONU, le général Burhane avait notamment accusé M. Perthes d’avoir «dissimulé» dans ses rapports la situation explosive à Khartoum avant le déclenchement des hostilités. Sans ces «mensonges», le général «Daglo n’aurait pas lancé ses opérations militaires», a-t-il soutenu.
Les combats ont éclaté le jour où les deux généraux rivaux devaient se retrouver pour des négociations visant à intégrer les FSR à l’armée régulière, comme le réclamait l’ONU depuis des semaines.
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Alors que de nombreux observateurs prédisaient un échec de ces discussions, M. Perthes proclamait son «optimisme». Il a aussi admis avoir été «pris par surprise» le jour où a éclaté la guerre.
Confiance de Guterres
Volker Perthes était à New York lorsque le général Burhane a envoyé sa lettre accusatrice, et les autorités n’ont pas délivré de visas aux ressortissants étrangers depuis le début de la guerre.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait affirmé «son entière confiance» à l’égard de son émissaire.
Mais début juin, le Conseil de sécurité n’avait prolongé que pour six mois la Mission intégrée des Nations unies pour l’assistance à la transition au Soudan (Minuats), dont M. Perthes est le chef.
Créée en juin 2020 pour soutenir la transition démocratique au Soudan après la chute l’année précédente d’Omar el-Béchir, la Minuats avait depuis été renouvelée chaque année pour un an.
Depuis plusieurs mois, des milliers de personnes soutenant l’armée et les islamistes avaient manifesté contre M. Perthes et les «ingérences» étrangères supposées.
De longue date, les pro-démocratie accusent le général Burhane d’être instrumentalisé par les islamistes du régime d’Omar el-Béchir (1989-2019).
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Le général Daglo joue d’ailleurs de cette rhétorique: il répète à l’envi combattre «les islamistes» et les «vestiges de l’ancien régime» et se fait le chantre de «la démocratie» et des «droits humains», alors même que ses milliers d’hommes sont accusés d’avoir commis des atrocités pour le compte de Béchir lors de la guerre du Darfour (ouest) dans les années 2000.
La guerre au Soudan a fait plus de 1.800 morts, selon l’organisation ACLED, spécialisée dans la collecte d’informations dans les zones de conflit.
Près de deux millions de personnes ont quitté leurs foyers, selon l’ONU qui estime que 25 des 45 millions d’habitants du pays, déjà l’un des plus pauvres du monde, avait besoin d’aide humanitaire.
La situation est dans l’impasse, aucune des multiples trêves déclarées par les deux généraux rivaux n’ayant été respectée. Une tentative de médiation sous l’égide de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis a été suspendue le 1er juin. La veille, l’armée s’était retirée des négociations qui visaient à créer des couloirs sécurisés pour laisser passer les civils et l’aide humanitaire.
Les hôpitaux situés dans les zones de combats ne fonctionnent plus que partiellement, quand ils ne sont pas fermés. Et la crise devrait s’aggraver avec l’approche de la saison des pluies, synonyme de recrudescence du paludisme, d’insécurité alimentaire et de malnutrition infantile.