Les enjeux de l’adhésion de la Mauritanie à l’Initiative du Roi du Maroc de désenclavement des pays du Sahel

Photomontage: carte du Sahel / le roi Mohammed VI recevant le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani (Y. El Harrak/Le360)

Le 21/12/2024 à 11h52

Le président mauritanien en visite privée au Maroc a été reçu, vendredi 20 décembre, au palais royal de Casablanca par le roi Mohammed VI. Cette rencontre, qui s’inscrit dans le cadre des relations solides entre les deux pays, a été l’occasion pour les deux dirigeants d’affirmer leur détermination à contribuer au développement de projets structurants et stratégiques, particulièrement celui du gazoduc Africain-Atlantique, une initiative royale visant à favoriser l’accès des États du Sahel à l’océan atlantique.

Le président mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani, qui séjourne depuis le mercredi 18 décembre au Maroc dans le cadre d’une visite privée, a été chaleureusement reçu le vendredi 20 décembre par le roi Mohammed VI au Palais royal de Casablanca. Selon un communiqué du cabinet royal, «cette rencontre s’inscrit dans le cadre des relations solides de confiance et de coopération liant les deux pays et des liens de fraternité sincère unissant les deux peuples frères». À cette occasion, «les deux chefs d’État se sont félicités de l’évolution positive que connait le partenariat maroco-mauritanien dans tous les domaines.»

Cette rencontre a été aussi l’occasion pour les deux dirigeants d’affirmer leur détermination à développer des projets stratégiques entre les deux pays voisins et surtout à coordonner leurs contributions dans le cadre des initiatives royales en Afrique.

Elle a permis au président mauritanien d’afficher son adhésion aux deux projets structurants initiés par le roi Mohammed VI et qui auront des impacts positifs sur les économies de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), des pays du Sahel, de la Mauritanie et du Maroc. Parmi ces projets, celui du Gazoduc Africain-Atlantique et l’Initiative pour l’accès des États du Sahel à l’océan atlantique figurent en bonne place.

L’adhésion de la Mauritanie, véritable cordon entre le Maroc et les pays de la Cedeao, au Gazoduc Africain-Atlantique est essentielle. Cette adhésion est également fondamentale dans les relations entre le Maroc et les pays sahéliens (Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).

Durant cette rencontre, le roi Mohammed VI et le président mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani, ont affirmé leur détermination à développer des projets stratégiques et à coordonner leurs contributions dans le cadre des initiatives royales, particulièrement le Gazoduc Africain-Atlantique et l’Initiative Atlantique, deux projets structurants qui vont impacter positivement les économies africaines de la région et au-delà.

L’adhésion de la Mauritanie au projet du Gazoduc Africain-Atlantique, qui passera par les eaux territoriales mauritaniennes avant de rejoindre celles du Maroc, était effective depuis octobre 2022 avec la signature d’un mémorandum d’entente avec le Maroc et le Nigeria. La Mauritanie sera la grande bénéficiaire de ce gazoduc. Le pays deviendra dès 2025 exportateur de gaz avec le démarrage du gisement Grand Tortue Ahmeyim (GTA) qu’il partage avec le Sénégal.

Ce gisement permettra l’extraction de 2,5 millions de tonnes de gaz liquéfié par an. En plus de cet important gisement de 400 milliards de mètres cubes de gaz, la Mauritanie dispose aussi d’un autre site beaucoup plus important à Bir-Allah, à environ 60 km au nord du champ GTA et à 100 kilomètres au large des côtes mauritaniennes.

Il s’agit d’un gisement de classe mondiale dont les réserves sont évaluées entre 80.000 et 110 000 milliards de pieds cubes, soit entre 2.260 et 3.100 milliards de mètres cubes de gaz. En combinant les gisements de GTA et de Bir Allah, la Mauritanie se retrouve avec des réserves en gaz estimées entre 120 000 et 160 000 milliards de pieds cubes de gaz, soit les 4e réserves de gaz du continent derrière le Nigeria, le Mozambique, et l’Algérie. Autant dire que le Gazoduc Africain-Atlantique est le bienvenu pour la Mauritanie. Une fois ces deux gisements exploités, Nouakchott disposera d’un moyen compétitif pour exporter son gaz vers le marché européen.

Sur ce projet, lors de 93ème session ordinaire du Conseil des ministres de la Cedeao qui s’est tenu les 12 et 13 décembre 2024 à Abudja (Nigeria), le président de la Commission, Omar Alieu Touray, a souligné que des progrès ont été réalisés dans la fusion du projet d’extension du gazoduc de l’Afrique de l’Ouest avec le projet de gazoduc Nigeria-Maroc suite à l’adoption d’un accord intergouvernemental pour le Gazoduc Africain-Atlantique. Cette infrastructure de 6.800 km de long, dont 5.100 km en mer, permettra le transport de 30 milliards de pieds cubes de gaz naturel par an.

Outre le gazoduc, la Mauritanie a aussi affiché son adhésion à l’Initiative royale visant à favoriser l’accès des États du Sahel à l’océan atlantique. Annoncée par le roi Mohammed VI en novembre 2023 à l’occasion du 48e anniversaire de la Marche Verte, cette initiative ambitionne de renforcer l’intégration économique et le développement durable de ces pays sahéliens enclavés: Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad en leur facilitant l’accès à l’Atlantique. À terme, cette initiative aboutira à la création d’un couloir économique stratégique qui permettra de surmonter l’enclavement géographique de ces pays. L’accès à l’océan permettra également à ces derniers de diversifier les ports d’approvisionnement qui seront également le point de départ de leurs produits vers le marché international en mettant à profit les infrastructures routières et aéroportuaires marocaines.

La Mauritanie étant le lien entre le Maroc et les pays sahéliens, son adhésion à cette initiative va en accélérer la concrétisation au bénéfice des pays de la région. Le Maroc s’y prépare déjà avec la réalisation de la route express au niveau de ses provinces sahariennes et le port de Dakhla Atlantique en cours de construction. Le Royaume affiche aussi sa «détermination à développer des projets stratégiques pour la liaison entre les deux pays voisins», selon le communiqué. Ce qui pourrait se traduire par un soutien du Royaume à la mise en place d’infrastructures nécessaires à cette initiative sur le territoire mauritanien.

En définitive, cette rencontre entre le roi Mohammed VI et le président Mohamed Cheikh El Ghazouani a permis de dissiper les doutes qui entouraient l’adhésion de la Mauritanie à l’Initiative Atlantique. Désormais, ceux qui pensaient que ces projets n’étaient qu’un simple rêve voué à l’échec doivent revoir leur copie. Le communiqué royal diffusé à la suite de la rencontre entre les deux chefs d’État est sans équivoque. Au lieu d’affaiblir la position régionale de la Mauritanie, cette initiative, déjà balisée par les camionneurs marocains qui approvisionnent depuis des décennies les pays sahéliens en légumes, fruits et d’autres produits, va au contraire renforcer la position mauritanienne, qui s’avère un nœud névralgique de ce corridor multimodal: maritime, routier et ferroviaire.

Par Moussa Diop
Le 21/12/2024 à 11h52