La réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union européenne du lundi 20 mars était très attendue à Tunis. Et les déclarations du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, à l’issue de cette réunion, illustrent l’inquiétude de l’UE quant aux perspectives politiques et économiques de ce pays. «La situation en Tunisie est très dangereuse», a-t-il souligné.
Au niveau politique, après l’accaparement par le président de presque tous les pouvoirs, ces dernières semaines ont été marquées par une hausse inquiétante des arrestations de personnalités de l’opposition, des ex-ministres, des hommes d’affaires et des médias. Des arrestations qui suscitent de plus en plus de mécontentements au sein de la classe politique tunisienne qui dénonce une «dérive autoritaire».
La Tunisie qui fait face à une crise économique depuis plus d’une décennie a vu celle-ci s’aggraver sous l’effet des impacts du Covid-19 en 2020-2021 et de la guerre Russie-Ukraine.
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L’absence d’accord avec le Fonds monétaire international (FMI) n’a fait qu’aggraver davantage la situation. D’après Borrell, «l’Union européenne ne peut pas aider un pays incapable de signer un accord avec le Fonds monétaire international». Du coup, explique Borrell, «le président Kaïs Saied doit signer avec le FMI et mettre en œuvre l’accord, sinon la situation sera très grave pour la Tunisie.
En tout cas, la situation inquiète les Européens. L’UE craint que la détérioration de la situation politique et économique n’entraine un effondrement du pays et une explosion des tentatives de migration des Tunisiens vers les côtes européennes. Selon les données italiennes, plus de 32.000 migrants dont 18.000 tunisiens sont arrivés clandestinement en Italie, en provenance de la Tunisie en 2022. «Si la Tunisie s’effondre, cela risque de provoquer des flux migratoires vers l’UE et entraîner une instabilité de la région MENA. Nous voulons éviter cette situation», a-t-il affirmé.
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Partant, «nous continuerons à porter une attention particulière à la situation», a expliqué Borell, ajoutant que deux membres du Conseil des affaires étrangères se rendront immédiatement en Tunisie afin d’évaluer la situation et de revenir avec un rapport qui «guidera nos prochaines étapes».
Suite à cette sortie, Tunis a réagi par la voix de son ministre des Affaires étrangères, en soulignant que «les propos prononcés sont disproportionnés tant au vu de la résilience bien établie du peuple tunisien tout au long de son histoire, que par rapport à une menace migratoire vers l’Europe en provenance du Sud», ajoutant que «ces propos sélectifs continuent d’ignorer toute responsabilité (de l’UE) dans la situation qui a prévalu en Tunisie et ailleurs, notamment depuis 2011 et jusqu’au 25 juillet 2021».