Madagascar: le puissant «Mamy», symbole de l’ère Rajoelina rattrapé par la justice

Maminiaina Mamy Ravatomanga, proche richissime du président déchu en fuite à Maurice et visé par un mandat d'arrêt.

Le 18/10/2025 à 15h27

La roue a tourné à Madagascar. Rien ne le dit plus que les vitrines vides ou les descentes des nouveaux maîtres du pays au siège du groupe de Maminiaina «Mamy» Ravatomanga, ce proche richissime du président déchu en fuite à Maurice et visé par un mandat d’arrêt.

Dans le monde d’avant le 25 septembre et les manifestations de la Gen Z ayant conduit à la prise de pouvoir des militaires, peu se risquaient à prononcer le nom de cet homme d’affaires de 56 ans figurant parmi les dix plus grandes fortunes de Madagascar, selon Forbes en 2017.

Au mieux, on en parlait comme «Pierre bleue», traduction littérale du malgache de son nom. «Avant on avait très peur de lui. On n’osait pas parler de ce qu’il fait, ce n’était pas possible», témoigne Poussy Ravelomanantsoa, téléopératrice de 40 ans passant devant la villa Pradon, le siège de son groupe Sodiat à Antananarivo.

«Ceux qui ont osé s’opposer à Mamy Ravatomanga en ont souvent payé le prix fort», observe auprès de l’AFP Frédéric Lesné, ex directeur de Transparency International Initiative Madagascar (TI-MG). L’ancien ministre Harry Laurent Rahajason a par exemple été condamné à trente mois de prison pour faux témoignage et propagation de fausses nouvelles.

Litchi, vanille

«Quelques jours seulement après la publication de l’article de presse qui a révélé l’ampleur de la mauvaise gouvernance dans la filière litchi, le lanceur d’alerte à l’origine de ces révélations est arrêté pour des faits de dénonciation calomnieuse», ajoute Frédéric Lesné.

Dans cette filière, soumise à des quotas d’exportation répartis inégalitairement, son groupe s’est taillé la part du lion comme l’ont révélé des enquêtes d’Africa Intelligence et du Monde. De même dans le secteur lucratif de la vanille, au mode opératoire similaire.

Fondé en 1990 comme une société de transport, Sodiat est devenu un conglomérat touchant à presque tout: distribution automobile (Toyota), aviation, sécurité privée, médias, BTP, santé, immobilier, hôtellerie, tourisme, golf…

Son empire est désormais à nu. Au rez-de-chaussée du bâtiment de rouge, de gris et de verre lui servant de siège, les boutiques de prêt-à-porter sont abandonnées et des gardes informels postés en évidence tous les dix mètres pour éviter qu’on s’en prenne à ce symbole des années Rajoelina, le président renversé mardi.

Longtemps tout puissant, Mamy est actuellement sous enquête pour blanchiment d’argent à Maurice où il a fui dimanche.

La Commission des crimes financiers de cette île voisine de Madagascar a gelé ses fonds après avoir «obtenu des renseignements crédibles» de transfert d’une «forte somme d’argent à Maurice, avec l’intention de déplacer ces mêmes fonds vers une autre juridiction et de quitter le territoire».

La juriste Fanirisoa Ernaivo, mandatée par les nouvelles autorités malgaches pour suivre le dossier à Maurice, assure à l’AFP qu’un « mandat d’arrêt a été transmis à Interpol ». L’existence d’au moins un mandat de la justice malgache a été confirmée à l’AFP par un porte-parole du Capsat.

Le groupe Sodiat n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

«La coopération avec les autorités mauriciennes est très louable. Enormément de dossiers n’ont jamais connu de suite à Madagascar en raison de l’influence de cet homme sur la justice malgache», explique cette magistrate de formation exilée en France.

Consul et «triumvirat»

Dans l’Hexagone, une enquête du parquet national financier le visant pour trafic de bois de rose, corruption et fraude fiscale a été classée sans suite en 2023.

Et quand le nom de Mamy Ravatomanga est apparu dans les Panama Papers, celui qui est aussi consul de Serbie et de Côte d’Ivoire à Madagascar s’était défendu en expliquant que «toutes les sociétés offshores ne sont pas forcément illégales».

Une vidéo diffusée par le collectif Gen Z a synthétisé la captation des richesses que lui reprochait les contestataires. Dans la rue, les appels à son arrestation n’avaient rien à envier à ceux demandant la démission de Rajoelina, installé une première fois au pouvoir par un coup d’Etat en 2009 après une mobilisation populaire.

Le chercheur Adrien Ratsimbaharison, auteur d’un livre sur la crise politique de 2009, évoque un «triumvirat», composé d’Andry Rajoelina, Mamy Ravatomanga et Naina Andriantsitohaina.

«Ces trois hommes étaient amis, explique-t-il. Mamy et Naina faisaient partie des personnes les plus riches de Madagascar, ils étaient en fait ses banquiers pour qu’il puisse exercer son influence. En échange, Naina et Mamy ont utilisé le régime pour s’enrichir».

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 18/10/2025 à 15h27