L’île particulièrement pauvre de l’océan Indien est le théâtre depuis le 25 septembre de manifestations qui réclament désormais le départ du chef de l’Etat, après avoir débuté comme l’expression d’un ras-le-bol contre les coupures incessantes d’eau et d’électricité.
Alors que le chef de l’Etat a prononcé son allocution, retransmise en directe sur sa page Facebook, la pression de la rue ne faiblit pas, des rassemblements et de nouvelles confrontations avec les forces de l’ordre se déroulant dans la capitale mais aussi plusieurs grande villes de province.
Selon le président, la jeunesse mobilisée depuis le début du mouvement, et regroupée notamment au sein du groupe Gen Z très actif sur les réseaux sociaux, serait manipulée par des acteurs malgaches et étrangers qu’il n’a pas identifiés.
«Des pays et agences ont payé ce mouvement pour m’évincer, pas par des élections, mais par profit, pour prendre le pouvoir comme dans d’autres pays africains», a-t-il assuré. «Notre pays est victime d’une cyber-attaque, d’une manipulation de masse», a-t-il dit.
Andry Rajoelina a aussi accusé des hommes politiques malgaches de tirer désormais les ficelles de la contestation.
«C’est après que le mouvement (de la jeunesse, Ndlr) a démarré que des politiciens ont abusé de cette situation pour mener un coup d’Etat et arriver à leurs fins et détruire le pays», a-t-il lancé, sans donner de nom.
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Andry Rajoelina s’est dit prêt à dialoguer et a demandé aux forces de l’ordre de «faire revenir la paix».
Centre-ville bouclé
Le chef de l’Etat n’a pas annoncé la nomination pourtant attendue d’un nouveau Premier ministre, après avoir limogé l’ensemble du gouvernement lundi pour tenter, sans succès, d’apaiser la colère des manifestants.
Vendredi, la capitale résonne de nouveau des détonations des grenades lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre contre des groupes de manifestants dans différents quartiers de la ville.
Dés le début de la journée, le centre-ville a été bouclé par les forces de sécurité se déplaçant à vive allure dans des pickups. Sur la grande avenue de l’Indépendance, les commerces sont restés fermés.
Des rassemblement ont été également été rapportés par les médias locaux dans les grandes villes de Mahajanga (nord), Toliara (sud) et Fianarantsoa (centre).
La répression des manifestations ainsi que les violences ayant éclaté lors de pillages généralisés, « perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants » selon l’ONU, avaient fait au moins 22 morts et des centaines de blessés d’après un bilan de son Haut-Commissariat aux droits de l’homme lundi. Des chiffres contestés par le ministère des Affaires étrangères malgache.
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Dans la foulée de l’allocution présidentielle, le collectif regroupant les différentes composantes du mouvement (jeunesse, syndicats, etc) a exigé du président d’être « consulté dans le processus de nomination du futur Premier ministre » et a réclamé un délai supplémentaire de quatre jours pour ce choix, dans un communiqué.
Le collectif appelle également à l’ouverture d’une enquête internationale sur les «abus» des forces de l’ordre lors des manifestations.
Plusieurs syndicats, dont celui de la société nationale de distribution d’eau et d’électricité, ont appelé à la grève générale et l’opposition, dans une rare prise de position commune, avait aussi demandé mercredi le départ du chef de l’Etat, ancien maire d’Antananarivo et magnat des médias.
Installé une première fois au pouvoir par les militaires en 2009 à la suite d’un soulèvement populaire, Andry Rajoelina avait présidé une période dite de transition jusqu’en 2014. Il s’était ensuite mis en retrait avant de se faire élire en 2018 et réélire en 2023 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition.
Malgré ses immenses ressources naturelles, Madagascar, ancienne colonie française devenue indépendante en 1960, figure encore parmi les pays les plus démunis au monde. En 2022, près de 75% de sa population vivait sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.