La politique nigériane est minée par des accusations en tous genres, en particulier concernant de sombres affaires d’argent. Et les favoris à la présidentielle du 25 février - Bola Tinubu et Atiku Abubakar, tous deux de richissimes septuagénaires, n’y échappent pas: ils ont été maintes fois accusés de corruption, ce qu’ils nient fermement.
Plus de 93 millions de Nigérians seront appelés aux urnes pour élire un successeur au président Muhammadu Buhari, qui ne se représente pas après deux mandats.
La nation la plus peuplée d’Afrique fait face à d’innombrables défis, en particulier une insécurité quasi-généralisée, une grave crise économique et des inégalités vertigineuses.
Ces dernières semaines, alors que la campagne s’intensifie, les insultes et accusations ont fusé entre les candidats.
Bola Ahmed Tinubu, candidat du parti au pouvoir (APC), accuse ainsi Atiku Abubakar, de l’opposition (PDP), d’avoir «dirigé une entreprise criminelle et monté un empire par la fraude» en «volant des fonds publics» entre 1999 et 2007, losque ce dernier était vice-président.
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Tinubu, surnommé «le Parrain» ou encore «le Boss» pour son influence et sa richesse considérables, appelle son adversaire à «se retirer de la course à la présidence sur-le-champ» et à se «rendre aux forces de l’ordre».
«Ravagé par les narcotiques»
Il surnomme M. Abubakar «M. Je vends tout», le décrivant comme étant «prêt à s’enfuir avec les recettes » et le qualifiant de « corrompu».
Une enquête du Sénat américain cite le nom de Abubakar dans une affaire de blanchiment d’argent.
Entre 2000 et 2008, l’une de ses épouses de l’époque, qui a la nationalité américaine, aurait «aidé son mari à rapatrier plus de 40 millions de dollars de fonds suspects aux Etats-Unis via des comptes off-shore», selon le rapport.
Le couple est accusé également d’avoir reçu plus de 2 millions de dollars de commission pour un contrat passé avec la multinationale Siemens, qui a plaidé coupable dans cette affaire.
Réponse cinglante du camp d’Atiku Abubakar qui rejette les «mensonges» de l’APC: M. Abubakar est doté d’un « caractère et d’une intégrité irréprochables»... Contrairement à son rival, «ravagé par les narcotiques», une phrase pleine de sous-entendus.
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Tinubu est accusé d’avoir, dans sa jeunesse, lorsqu’il était comptable aux Etats-Unis, blanchi de l’argent pour le compte d’un vaste réseau de trafic d’héroïne, ce qu’il nie.
A 70 ans, le candidat de l’APC, ancien gouverneur de Lagos, a fréquemment été accusé de corruption, sans jamais être condamné.
L’équipe d’«Atiku» demande aussi l’arrestation de Tinubu, accusé de préparer une «armée de bandits» pour «saper» le scrutin du 25 février.
Avant de poursuivre: «le candidat de l’APC doit souffrir d’une maladie de Parkinson manifeste accompagnée d’incontinence».
Bola Tinubu «ne peut pas se tenir droit ou monter (des marches) sans aide, il souffre d’un tremblement visible des mains et palpite au moindre effort physique», disent-ils.
La santé des candidats à la présidence est une question sensible au Nigeria, où le président Buhari a fait beaucoup parler en s’absentant des mois entiers lors de son premier mandat pour faire soigner au Royaume-Uni une maladie inconnue.
«M. le Radin»
Beaucoup se demandent donc si Tinubu, une fois élu, ne va pas lui aussi s’absenter à cause de son présumé état de santé et laisser son vice-président diriger.
L’intéressé assure qu’il est en bonne santé, en témoignent selon lui ses vidéos virales à la salle de sport ou en train de danser.
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A six semaines de la présidentielle, tous les coups sont ainsi permis entre les candidats qui cherchent à «discréditer» leur adversaire, explique Udo Jude Ilo, analyste au cabinet de conseil Thoughts and Mace Advisory.
«Les candidats, principalement de l’APC et du PDP, cherchent à rallier l’opinion publique contre l’autre», ajoute Jude Ilo.
Peter Obi, l’outsider à l’élection présidentielle et candidat du parti travailliste, n’est pas non plus épargné.
Tinubu le surnomme «M. le Radin», l’accusant de ne pas avoir assez dépensé pour la population quand il était gouverneur de l’Etat d’Anambra (sud-est).
Le Nigeria «a maintenant besoin de +radins+ qui gardent l’argent pour le développement du pays», lui a rétorqué Obi.
Ces invectives laissent peu de place aux débats d’idées alors même que le pays est confronté à des défis immenses: une inflation qui dépasse les 20%, près de 133 millions de personnes souffrant de «pauvreté multidimensionnelle» et la violence quotidienne de groupes criminels, jihadistes et séparatistes.