Le nouveau chef de l’Etat de 71 ans, en habit traditionnel blanc, a prêté serment lors d’une cérémonie à Abuja devant un parterre de responsables et de nombreux chefs d’Etats africains (Rwanda, Ghana, Afrique du Sud, Bénin, Cameroun...).
M. Tinubu, élu en février à l’issue d’une élection historiquement serrée, dont les résultats sont contestés en justice par l’opposition qui dénonce des fraudes massives, a promis de servir les Nigérians « sans préjugés ».
Le dirigeant d’ethnie Yoruba, originaire du Sud-Ouest et de confession musulmane, a insisté sur la nécessité d’unir le géant ouest-africain de 215 millions d’habitants, extrêmement polarisé entre un Nord à majorité musulmane, et un Sud à dominante chrétienne. Notamment en «renforçant les échanges économiques, la cohésion sociale et le dialogue entre cultures».
«Que ce soit dans les criques sinueuses du delta du Niger, dans l’immensité de la savane du Nord, dans les conseils d’administration de Lagos, dans la dynamique capitale d’Abuja ou dans les marchés animés d’Onitsha, vous êtes tous mon peuple», a-t-il insisté.
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Il a promis de faire de la lutte contre l’insécurité sa «priorité absolue» et de défendre «la nation contre la terreur et toutes les formes de criminalité», notamment en renforçant les forces de sécurité.
Insurrection jihadiste
Il a prononcé son discours après le départ par avion de son prédécesseur Muhammadu Buhari, un Peul du Nord âgé de 80 ans, du même parti que lui, qui part après deux mandats et un bilan jugé très décevant. Elu en 2015 et en 2019, cet ancien général puschiste de l’armée (dans les années 1980) s’était également fait élire sur la promesse de mettre fin aux violences.
Mais il a a largement déçu. Il laisse le pays dans une insécurité quasi généralisée, entre une insurrection jihadiste vieille de 14 ans dans le nord-est, les tueries et enlèvements contre rançon pratiqués à grande échelle par des bandes criminelles (sur fond de graves tensions communautaires) dans le nord-ouest et le centre, et une agitation séparatiste dans le sud-est.
Le nouveau président a promis de remettre la première économie africaine sur les rails alors que le pays, pourtant riche en pétrole, s’enfonce dans le marasme, entre inflation à deux chiffres, explosion de la dette et de la pauvreté.
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Tout au long de sa campagne, il avait mis en avant son expérience à la tête de Lagos, locomotive du Nigeria, qu’il a gouvernée de 1999 à 2007. Nombreux sont ceux qui affirment que cet homme politique et d’affaires a contribué à moderniser et sécuriser la capitale économique de 20 millions d’habitants. Et espèrent qu’il fera de même à la tête du pays.
Mais bien d’autres s’inquiètent de santé fragile du nouveau président, à la personnalité clivante et au passé trouble.
Durant la campagne et avant son investiture, il a fait plusieurs voyages à l’étranger, rappelant ceux du président Buhari qui a passé des semaines, parfois des mois, en Angleterre pour se soigner d’une maladie secrète.
Avec les spéculations sur la santé de M. Tinubu, les regards sont tournés vers son vice-président Kashim Shettima, 56 ans, ancien gouverneur de l’État de Borno (nord-est).
Surtout, M. Tinubu, surnommé «le parrain» dans un pays où le clientélisme en politique est roi, est vu comme un politicien de la vieille garde.
Il est détesté par une partie de la jeunesse, qui avait placé ses espoirs de changement en Peter Obi, outsider arrivé troisième à la présidentielle, et pense que M. Tinubu a largement triché.
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Le président multimillionnaire, dont la fortune exacte n’est pas connue, est aussi visé par des accusations de corruption, qu’il a toujours niées. Il n’a jamais été condamné.
Fuite des cerveaux
«Avec le nouveau gouvernement de Bola Tinubu, les Nigérians verront bientôt si un dirigeant largement considéré comme corrompu peut présider une administration relativement exempte de malversations et raisonnablement compétente», écrivait il y a quelques jours le chercheur Ebenezer Obadare, du groupe de réflexion Council on Foreign Relations, basé à Washington.
Le président a promis de mettre fin aux subventions sur le carburant, un système qui encourage la corruption et empêche l’Etat d’investir massivement dans des secteurs clés, comme la santé ou l’éducation, alors que près de la moitié des Nigérians vivent dans une extrême pauvreté.
Le Nigeria échange son pétrole brut estimé à des milliards de dollars contre du carburant importé (en raison de la défaillance de ses raffineries d’Etat) qu’il subventionne par la suite, pour garder un prix artificiellement bas sur le marché, créant un gouffre financier.
Mais il devra certainement faire beaucoup plus pour sortir de la pauvreté les Nigérians et empêcher la fuite de ses cerveaux à l’étranger, ses jeunes diplômés faisant face à un chômage de masse en dépit de ses immenses réserves de pétrole et de sa florissante industrie culturelle (entre Nollywood et l’Afrobeats).