Portrait. Qui est Mahmoud Ali Youssouf, le nouveau président de la Commission de l’Union africaine

Mahmoud Ali Youssouf

Mahmoud Ali Youssouf. AFP or licensors

Le 20/02/2025 à 16h03

VidéoPour avoir été durant 20 ans ministre des Affaires étrangères de Djibouti, le nouveau président de la Commission de l’Union africaine est loin d’être novice en diplomatie. À 59 ans, Mahamadou Ali Youssef succède au Tchadien Moussa Faki Mahamat pour un mandat de quatre ans. Malgré les lourdes tâches qui l’attendent, ce passionné de lecture, de natation et de randonnée pédestre, pourra également compter sur sa richesse linguistique qui lui permettra de prendre langue avec les différentes régions d’Afrique.

Alors que le candidat Kenyan Raila Odinga se voyait déjà président de la Commission de l’Union africaine, c’est finalement sur le Djiboutien Mahamoud Ali Youssef que la majorité des deux tiers des voix s’est portée. Le Djiboutien a été élu avec 33 voix, soit juste les deux tiers requis des 49 votants. Ainsi, le Djiboutien va occuper, durant quatre ans, la plus haute fonction de l’Union africaine.

Polyglotte, parlant parfaitement français, anglais et arabe, ce diplomate de carrière, marié et père de famille, a également été ambassadeur de son pays en Égypte. Réputé proche du président de Djibouti Ismaïl Omar Guelleh et dont les compétences sont louées par de nombreux observateurs, Mahmoud Ali Youssouf va occuper le poste stratégique de président de la Commission de l’UA. Sa diversité linguistique est un important atout et constituera un pont entre le Nord et le Sud, ainsi qu’entre l’Est et l’Ouest du continent.

Né le 2 septembre 1965 à Djibouti, Mahamoud Ali Youssef y a obtenu son baccalauréat en 1985, avant d’aller en France pour poursuivre ses études universitaires en Langues étrangères appliquées (Anglais et arabe) à l’Université Lumière Lyon II. En 1988, il étudie les Relations Internationales à la Liverpool Business School au Royaume-Uni en 1988.

En 1995, il obtient un magistère en management à l’Université de Laval et prépare une thèse à l’Université Libre de Bruxelles. Il a aussi suivi un Programme de formation didactique en management public à l’Ecole nationale d’administration publique (Enap), en 1995.

L’homme se dit passionné de lecture, l’écriture, l’histoire, la pêche, la natation et la randonnée pédestre. «Ces activités lui permettent de maintenir un équilibre entre sa vie professionnelle exigeante et son bien-être personnel

Mahamoud Ali Youssef a débuté sa carrière professionnelle en 1992 au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale comme conseiller d’ambassade puis directeur du département Monde Arabe. Par la suite, il a été nommé, en janvier 1997, ambassadeur de la République de Djibouti en Égypte et représentant permanent auprès de la Ligue Arabe.

Il revient en juillet 2001 à Djibouti pour occuper le poste de ministre délégué à la Coopération internationale puis ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale en mai 2005. Depuis, il est reconduit dans ses fonctions en 2008, 2011, 2013, 2016 et 2019, tout en étant porte-parole du gouvernement. Au total, il aura passé 33 ans au sein du ministères des Affaires étrangères. Une longévité qui fait de lui un diplomate chevronné. A ce titre, il a contribué à faire de Djibouti un pays stratégique et en déployant et animant sa diplomatie au cours des 20 dernières années.

Carrière politique et distinctions

Il est chef de la diplomatie de son pays jusqu’à son élection le 15 février 2025, au 7e tour du scrutin, en tant que président de la Commission de l’Union africaine. Au niveau politique, Mahmoud Ali Youssef est, depuis 2015, membre du Comité exécutif du Rassemblement populaire pour le progrès (RPP) au pouvoir et secrétaire général adjoint du parti. Il est également député à l’Assemblée nationale depuis février 2023.

Le Djiboutien n’est donc pas un novice en politique. À 59 ans, il cumule 20 ans en sa qualité de chef de la diplomatie du petit pays de la Corne de l’Afrique, une longévité dont aucun chef de diplomatie ne peut se prévaloir actuellement à travers le monde. Djibouti est un petit pays d’à peine 23.200 km2 abritant environ 1,2 million d’habitants, mais très stratégique grâce à sa position qui lui permet le contrôle du détroit reliant la mer Rouge au golfe d’Aden. D’où la présence de nombreuses bases militaires françaises, américaines et chinoises.

C’est sous sa conduite que Djibouti a ouvert son consulat à Dakhla, en février 2020, devenant ainsi le premier pays membre de la Ligue arabe à ouvrir une représentation diplomatique dans les provinces du Sahara marocain, couronnant les excellentes relations diplomatiques entre le Maroc et Djibouti qui a toujours soutenu l’intégrité du Royaume du Maroc. C’est donc un diplomate chevronné qui succède au Tchadien Mousa Faki Mahamat, au plus haut poste de l’Union africaine.

Il a été décoré Commandeur de l’Ordre National de la Grande Étoile de Djibouti en 2012 et a reçu une distinction de l’Union Européenne en 2023 pour ses services rendus aux opérations Atalanta de lutte contre la piraterie.

Fort de son expérience, il compte mettre l’accent sur la coopération et la solidarité entre les pays africains. Le nouveau président de la Commission de l’Union africaine est convaincu que le continent a le potentiel nécessaire pour se transformer en un moteur de croissance et de progrès global. Toutefois, cela n’est possible que quand il y aura la paix et la sécurité. C’est pourquoi, l’un des défis auquel il compte s’atteler concerne la promotion de la paix et de la sécurité en Afrique.

La diplomatie au service de la paix et de l’économie

Reste que les enjeux sont énormes. En premier lieu, il doit devra mettre tous ses talents de diplomate pour arrêter le conflit qui ravage l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) et qui menace actuellement de déstabiliser toute la sous-région. Sur le front soudanais, la guerre et son lot de conséquences humaines catastrophiques, attend ses bon offices. Ces deux dossiers figurent parmi ses priorités.

Ensuite, il devra poursuivre la réforme de l’instance panafricaine et contribuer à l’accélération de l’intégration économique. A ce titre, il compte booster la mise en place de la Zone de libre échange continentale africaine (Zlecaf) qui accuse un retard par rapport aux objectifs de départ. Cette zone elle est essentielle pour l’intégration économique du continent.

Faisant sienne cette formule «l’avenir de l’Afrique dépend de sa jeunesse et de sa capacité à innover et à entreprendre», Mahmoud Ali Youssouf a inscrit sur son agenda le soutien à l’innovation et l’entrepreneuriat pour créer de la valeur ajoutée et des emplois.

L’un des chantiers de taille pour le nouveau président de la Commission de l’Union africaine est sans doute la défense des droits humains et la promotion d’une réelle démocratie en Afrique. Sur ce dernier point, il doit s’atteler à contribuer à mettre fin aux changements de régimes par les armes au moment où six pays sont suspendus de l’instance africaine suite à des coup d’État: Mali, Guinée, Burkina Faso, Soudan, Niger et Gabon.

L’union africaine doit ainsi aider ces pays à retrouver le chemin de la démocratie et faciliter leur retour au sein de l’instance africaine.

Le G20 en attendant le Conseil de sécurité de l’ONU

Mahmoud Ali Youssouf devra faire rayonner le continent sur la scène internationale. Après le siège permanent obtenu à la table du G20, l’Union africaine continue de revendiquer un siège permanent au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.

Mais il est loisible de deviner qu’une telle mission ne sera pas une sinécure face au nouveau président américain et les conséquences de sa politique qui se dessine en Afrique. En plus de la suspension de l’aide publique américaine qui transitait via l’Usaid, le continent craint la fin de l’Agoa-African growth and opportunity act (Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique). Adopté par le congrès américain en mai 2000, cet accord facilite les exportations africaines vers les États-Unis.

Face à ces nombreux défis, ses compétences diplomatiques et ses efforts pour renforcer les relations bilatérales et multilatérales seront nécessaires dans un environnement géopolitique mondial changeant et complexe.

Par Moussa Diop
Le 20/02/2025 à 16h03