Avec environ 100 millions de votants, le Nigeria est de loin la plus grande démocratie du continent africain. Et pour ce qui est de l’alternance démocratique, depuis la fin de l’ère des coups d’Etat, les élections se déroulent normalement dans ce pays peuplé de plus de 220 millions d’habitants et composé de plusieurs ethnies.
Selon les observateurs, le scrutin s’annonce être le plus serré de l’histoire électorale au Nigeria. Ils sont en effet 18 candidats pour succéder à Muhammadu Buhari, même si trois seulement d’entre eux partent favoris: Atiku Abubakar du People’s Democratic Party (PDP) qui se représente pour la 6e fois à la présidence, Bola Ahmed Tinubu du All Progressives Congress (APC) du président sortant Buhari et Peter Obi, un outsider qui mise sur la jeunesse. Les trois candidats ont en commun d’être tous des riches.
Dans ces conditions, il sera difficile qu’un candidat obtienne la majorité dès le premier tour du scrutin prévu le 25 février. Il est fort probable qu’il faudrait attendre le 11 mars, date du second tour, pour connaître le nom du futur président du Nigeria. Et si tel est le scénario, tout dépendra des alliances qui se formeront au lendemain du premier tour.
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Pour être élu président de la première puissance économique et démographique du continent, il faudra disposer d’une majorité, mais aussi obtenir au moins 25% des votes dans deux tiers des 36 Etats et dans le territoire de la capitale du Nigeria, Abuja.
Atiku Abubakar: 6e candidature, probablement la bonne
Atiku Abubakar, candidat pour la 6e fois à la présidentielle nigériane, se présente cette fois-ci sous la bannière du principal parti de l’opposition, le People’s Democratic Party (PDP), formation qui dirigea le Nigeria de 1999, date du retour au multipartisme, à 2014, avec l’arrivée de Muhammadu Buhari au pouvoir sous les couleurs du All Progressives Congress (APC).
C’est un vétéran de la politique nigériane et il est l’un des deux grands favoris de cette élection. Ayant été vice-président d’Olusegun Obasanjo durant deux mandats, Atiku connait bien les arcanes du pouvoir.
Riche homme d’affaires, il a investi dans l’import-export, le pétrole, l’agriculture, les télécommunications et la santé. Libéral, il compte s’attaquer à l’insécurité et à la crise économique.
Atiku compte tirer profit des échecs du parti au pouvoir, notamment la crise économique (chômage, inflation, pénuries d’essence et de billets de banque…) et l’incapacité des gouvernants actuels à éliminer le terrorisme au nord avec Boko Haram et le banditisme. Etant aussi le seul candidat favori du Nord, il espère y faire plein de voix.
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Reste que Atiku est aussi considéré par une partie de l’électorat comme faisant partie des dinosaures de la politique nigériane. Avec ses 76 ans, Atiku est le doyen des candidats dans un pays où 60% de la population a moins de 25 ans. Or, le fossé ne cesse de se creuser entre une jeunesse avide de changement et une élite vieillissante qu’il incarne avec Tinubu.
Ensuite, si Atiku peut compter sur l’électorat musulman du Nord, la candidature d’un ancien gouverneur de Kano, Rabiu Kwankwaso, ultra-populaire et ancien membre du PDP, risque d’entraîner une dispersion des voix dans cette région.
Enfin, s’étant occupé lors de sa vice-présidence des dossiers de privatisation de centaines d’entreprises publiques déficitaires, certains l’accusent d’avoir profité de son ascension pour faire fructifier ses affaires.
Bola Ahmed Tinubu, le «Parrain», fortement aimé à Lagos, le premier creuset électoral du pays
Comme Atiku, Bola Ahmed Tinubu est aussi un vétéran de la politique nigériane. Il fut ancien gouverneur de Lagos et sa gestion a été bien appréciée. Ce qui devrait constituer un atout pour lui, sachant que Lagos est le premier Etat pourvoyeur d’électeurs avec 7 millions d’inscrits, devant Kano, Etat musulman du Nord (5 millions d’électeurs).
Surnommé «Le parrain», le «faiseur de roi», «le boss», Tinubu, candidat du parti au pouvoir, est aussi influent que controversé. Agé de 70 ans, Tinubu, musulman, considéré comme l’un des hommes les plus riches du Nigeria sans que le montant de sa fortune ne soit exactement connu, est un ancien sénateur puis gouverneur de Lagos (1999-2007), poumon économique du Nigeria. L’homme qui se vantait d’avoir élu Buhari en 2015 et 2019 souhaite désormais s’asseoir sur le fauteuil présidentiel.
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Ses priorités sont la sécurité et la reprise économique. Il compte mettre fin aux subventions des carburants. Un sujet très sensible et qui divise au Nigeria.
Et pour les sceptiques, Tinubu rappelle qu’il est derrière la transformation spectaculaire de la capitale économique durant ses deux mandats.
S’il était considéré comme le favori de l’élection présidentielle avec la machine du parti au pouvoir et de son influence, ces dernières semaines, le bilan du gouvernement Buhari, la pénurie d’essence et surtout de billets de banque ont rebattu les cartes en défaveur du parti au pouvoir et de son candidat. Du coup, Tinubu essaye de se démarquer du bilan du président sortant en assurant être «différent».
Ensuite, l’origine de sa fortune suscite des accusations de corruption qu’il balaie d’un revers de main en soulignant que «ce n’est que de la jalousie».
Peter Obi, un outsider qui veut mettre fin à l’alternance Nord-Sud
L’alternance Nord-Sud à la tête du Nigeria sera-t-elle ébranlée par Peter Obi ? la question se pose désormais avec beaucoup d’acuité depuis que ce troisième candidat a fait émerger une troisième force face aux deux grands partis : All Progressives Congress (APC) et People’s Democratic Party (PDP).
Il compte redresser l’économie nigériane et lutter contre l’insécurité, au même titre que les autres candidats.
Pour obtenir les faveurs des électeurs, Obi s’appuie sur un certain nombre d’atouts. D’abord, même s’il est âgé de 61 ans, il est considéré comme jeune, comparativement aux deux favoris : Atiku (76 ans) et Tinubu (environ 70 ans). Ainsi, les jeunes éduqués et connectés semblent trouver en lui la personne qu’il faut pour initier le changement et le rajeunissement de la classe politique nigériane. Sachant que 60% des Nigérians ont moins de 24 ans, un vote jeune peut créer la surprise et le propulser à la tête du Nigeria.
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Ensuite, son bilan en tant qu’ex-gouverneur de l’Etat d’Anambra (Sud-Est) fait de lui un candidat respectable à même d’apporter les changements souhaités à la tête du pays, surtout qu’il est réputé pour son intégrité, ce qui est un atout au Nigeria où les deux favoris sont accusés de corruption.
En outre, étant le seul candidat du Sud-Est, il bénéficiera de l’électorat de cette région et de celui des Igbo, l’un des principaux groupes ethnolinguistiques du Nigeria et qui représente environ 15% des 220 millions d’habitants du pays.
Enfin étant un fervent chrétien, contrairement aux deux favoris qui sont musulmans, cela peut aussi lui être favorable sachant qu’outre l’alternance Nord-Sud, l’alternance religieuse (musulman-chrétien) est aussi considérée comme une règle non écrite au Nigeria.
Reste qu’Obi part avec un certain nombre de handicaps. D’abord, le Labour Party (LP) qu’il a intégré récemment est un petit parti par rapport aux deux grands partis (APC et PDP) du pays et son électorat est surtout concentré dans le Sud-Est. Ensuite, son fief est aussi celui traditionnel du PDP d’Atiku. Enfin, les velléités indépendantistes de cette région découragent certains électeurs à voter pour Obi.
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Sauf une grosse surprise, l’un des trois candidats devrait succéder au président sortant Muhammadu Buhari qui vient de boucler ses deux mandats à la tête du pays.
En tout cas, trois facteurs vont peser sur cette élection: la crise économique, l’insécurité et le vote régional.
D’abord, le Nigeria est plongé dans une profonde crise économique. La croissance est faible (seulement 2% entre 2017 et 2021) et l’inflation est galopante en ressortant actuellement autour de 21% à cause de la flambée des cours des matières premières sur le marché international et de la forte dépréciation du naira, la monnaie locale, face aux devises étrangères. Cette inflation affecte particulièrement les salariés et la classe moyenne nigériane. Mais, ces dernières semaines de campagne électorale ont été surtout marquées par des pénuries d’essence et de billets de banque qui ont occasionné des heurts dans certaines régions du pays.
Cette situation économique va peser sur l’élection présidentielle et c’est le candidat du parti au pouvoir qui risque de trinquer. En effet, ces pénuries et cette inflation seront mises sur le compte du président sortant Muhammadu Buhari, et donc du parti au pouvoir dont les couleurs seront défendues par Bola Ahmed Tinubu qui a tenté de se démarquer de ce bilan. D’ailleurs, ses fidèles partisans n’ont pas hésité à accuser le régime d’avoir contribué à accentuer la crise, notamment la pénurie des billets de banque, pour les handicaper.
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Ensuite, il y a le problème sécuritaire. En effet, en deux mandats, Buhari n’a pas réussi à endiguer le terrorisme de Boko Haram au nord du pays et, pire, l’insécurité gagne du terrain avec le banditisme armé qui étend ses tentacules aux autres régions, notamment au niveau du monde rural, alimenté par la crise et la pauvreté accrue dans ce pays riche en pétrole et gaz naturel. Sur ce point aussi, les candidats pointent du doigt l’échec du parti au pouvoir. Une situation qui ne favorise pas le candidat du parti, Tinubu.
Enfin, l’autre facteur qui va peser sur l’élection est le vote régional et ethnico-religieux, comme c’est le cas dans de nombreux pays africains.