Ce dernier a joué l’apaisement en admettant qu’il n’y avait «plus aucun recours juridique» et appelé ses partisans à poursuivre «pacifiquement» le «combat politique».
Le scrutin présidentiel du 6 mai, dont l’issue était jouée d’avance selon nombre d’observateurs, marque la fin d’une transition militaire ouverte le 20 avril 2021 lorsque Mahamat Déby avait été proclamé par l’armée chef de l’Etat à la tête d’une junte de 15 généraux pour remplacer son père.
Ce dernier, Idriss Déby Itno, venait d’être tué par des rebelles en se rendant au front, après avoir dirigé d’une main de fer, 30 années durant, ce vaste pays sahélien parmi les plus pauvres du monde.
Mahamat Déby, 40 ans, a été élu avec 61% des voix, selon le Conseil constitutionnel.
M. Masra, 40 ans aussi, était l’un des plus farouches opposants aux Déby père et fils avant d’être nommé par Mahamat Premier ministre de la junte il y a quatre mois. Il est arrivé deuxième de la présidentielle avec 18,54% selon les résultats définitifs.
Son parti Les Transformateurs avait qualifié le scrutin de «mascarade» et Masra avait introduit un recours en annulation devant le Conseil constitutionnel, qui l’a rejeté jeudi.
«Avec cette décision du Conseil constitutionnel (...), il n’y a plus d’autres voies juridiques au niveau national», a admis M. Masra sur sa page Facebook. «Je vous demande de rester mobilisés tout en restant pacifiques», a conclu l’économiste.
La question se pose désormais de savoir s’il va rester Premier ministre.
«Traître»
L’opposition avait qualifié Masra de «traître» après qu’il eut signé un «accord de réconciliation» avec le général Déby, qui l’a nommé Premier ministre le 1er janvier.
L’opposition, qui avait appelé à boycotter un «scrutin joué d’avance» pour «perpétuer une dynastie Déby», avait aussi accusé Masra d’être candidat pour donner un «vernis démocratique» au scrutin et poursuivre ensuite son tandem au pouvoir avec le jeune général.
Mais l’économiste Masra a surpris tout le monde en rassemblant des foules considérables durant sa campagne, au point de s’enhardir et se dire capable de l’emporter, sinon de pousser M. Déby jusqu’à un second tour.
Si les partisans de Masra protestent contre son élection dans la rue, cela pourrait ouvrir la voie à des violences meurtrières, les manifestations de l’opposition étant systématiquement réprimées dans ce pays marqué, depuis son indépendance de la France en 1960, par les coups d’Etat, les régimes autoritaires et les assauts réguliers d’une multitude de rébellions.
Mahamat Déby avait été adoubé dès son installation par l’armée en 2021 par une communauté internationale - France en tête - prompte à condamner les putschistes ailleurs en Afrique.
Paris compte encore un millier de militaires au Tchad, considéré comme un pilier de la lutte anti-jihadiste au Sahel, après que les soldats français ont été expulsés du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Nombre d’observateurs prédisaient que son élection serait une formalité, comme pour son père, élu et réélu six fois après son coup d’Etat de 1990.
Scrutin pas «crédible»
Au diapason de l’opposition, des ONG internationales s’étaient inquiétées avant le scrutin, à l’image de la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH), d’une élection «ni crédible, ni libre, ni démocratique», «dans un contexte délétère marqué par (...) la multiplication des violations des droits humains».
La junte a fait réprimer violemment toute opposition, parfois dans le sang, et avait écarté du scrutin les rivaux les plus dangereux du général Déby.
Deux mois avant l’élection, Yaya Dillo, son cousin et plus farouche rival pour la présidentielle, avait été tué par des militaires dans l’assaut du siège de son parti. «Assassiné» d’une «balle à bout portant dans la tête», selon son parti. Les ONG internationales réclament, en vain jusqu’à présent, une enquête indépendante sur sa mort.
Le jour du scrutin, au moins 76 militants du parti de M. Masra avaient été arrêtés et sont toujours, à ce jour, incarcérés. Ils sont poursuivis notamment pour «faux et usages de faux», selon le parquet de N’Djamena qui les accuse d’avoir usurpé la qualité de délégués de leur parti dans des bureaux de vote.