Sénégal. «À quoi bon renforcer les pouvoirs de quelqu’un qui dirige déjà le pays?»: inquiétudes sur les futures prérogatives du Premier ministre

Le Premier ministre Ousmane Sonko.

Le 25/05/2025 à 08h28

Vidéo«Je trouve que les pouvoirs du Premier ministre sont très limités, et je compte d’ailleurs les renforcer.» Cette phrase du président Bassirou Diomaye Faye a suffi à alimenter les inquiétudes de voir Ousmane Sonko doté de nouvelles prérogatives non encore définies. Les nouvelles autorités du pays avaient en effet promis la «rupture avec l’ancien régime».

Cette initiative, qui marquerait une rupture avec l’équilibre actuel entre les institutions, provoque de vives réactions, y compris au sein même de la mouvance présidentielle.

Ibrahima Cissokho, président du mouvement «Mon Pays, Mon Avenir» et membre de la coalition au pouvoir, ne cache pas son scepticisme. «Ce serait mieux de stabiliser les institutions et de les rendre fortes, au lieu de renforcer un homme», plaide-t-il.

«Je trouve que les pouvoirs du Premier ministre sont très limités, et je compte d’ailleurs les renforcer», en prononçant ces mots, le chef de l’Etat a ouvert la porte à toutes les spéculations sur la nature des nouvelles prérogatives qu’il compte attribuer à son Premier ministre.

Si la collaboration actuelle entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko semble fluide, Cissokho alerte: «qu’en sera-t-il des prochains dirigeants si un Premier ministre devenait trop fort

L’opposition pointe un déséquilibre déjà existant

Du côté de l’opposition, le ton est plus incisif. Pour Dr Samba Faye, porte-parole de la «République des Valeurs» , ce projet de réforme est la preuve d’un double langage. «Notre président n’est pas sincère dans sa démarche, il a eu à le prouver à de nombreuses reprises. À quoi bon renforcer les pouvoirs de quelqu’un dont on sait qu’il dirige déjà le pays?», affirme-t-il.

Une référence directe à Ousmane Sonko, dont la parole «surplombe celle de Diomaye», selon lui.

Des citoyens inquiets pour les libertés individuelles

Dans la rue, la méfiance est également palpable. Ma Barry, citoyen sénégalais, estime que cette réforme devrait être reportée. «Avec un Premier ministre aussi menaçant qu’Ousmane Sonko, renforcer ses pouvoirs reviendrait à exposer les Sénégalais qui ne partagent pas la même opinion que lui». Une peur sourde, nourrie par les discours musclés de l’actuel chef du gouvernement.

Si le projet de réforme vise officiellement à moderniser le fonctionnement de l’exécutif, il pose une question fondamentale: faut-il rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’État ou risquer de les concentrer entre les mains d’un seul homme, fût-il populaire? Une équation délicate que le nouveau régime devra résoudre sans trahir les espoirs de renouveau portés par une jeunesse en quête de démocratie plus inclusive.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 25/05/2025 à 08h28