M. Masra, ancien opposant, avait signé un accord de réconciliation avec M. Déby avant d’être nommé Premier ministre le 1er janvier. L’opposition dénonce une «candidature prétexte» destinée à donner un semblant de pluralité à un scrutin qu’elle considère gagné d’avance par Mahamat Déby.
«Je réponds présent comme candidat à l’élection présidentielle (...) pour réparer les cœurs et réunir le peuple», a lancé ce docteur en sciences économiques de 40 ans, lors d’un meeting d’investiture devant des centaines de militants de son parti Les Transformateurs.
En réponse à ceux qui lui reprochent d’avoir rallié la junte, il a répondu: «c’était un accord de réconciliation nationale, un accord des braves», «pour que notre quête de justice ne soit jamais transformée en quête de vengeance».
«Pilote ou copilote»
«Je suis candidat pour être le pilote principal de l’avion» mais «vous devrez choisir la combinaison gagnante que vous voulez, qui doit être pilote et qui doit être copilote», a-t-il rétorqué à ceux qui le soupçonnent d’avoir négocié de rester Premier ministre après l’élection.
M. Masra a quitté son poste de haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement (BAD) pour fonder Les Transformateurs en 2018.
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Il était l’un des principaux opposants au maréchal Idriss Déby Itno, tué le 19 avril 2021 par des rebelles en se rendant au front après 30 années au pouvoir. Puis il avait dénoncé le «coup d’Etat» de son fils Mahamat Déby, proclamé le lendemain chef de l’Etat par une junte de 15 généraux.
Le nouvel homme fort de N’Djamena avait promis de rendre le pouvoir aux civils après une transition de 18 mois et à l’Union africaine (UA) de ne pas se présenter aux élections. Mais il avait prolongé la transition de deux ans et a annoncé le 2 mars sa candidature à la présidentielle.
M. Masra organisait, avec d’autres partis d’opposition, des manifestations interdites ou systématiquement réprimées. Jusqu’à celle du 20 octobre 2022 quand des centaines de jeunes, selon l’opposition et les ONG internationales, ont été tués par balles par les forces de l’ordre, et un millier d’autres au moins emprisonnés.
Le pouvoir, lui, n’a reconnu qu’une cinquantaine de morts, accusant les manifestants de «tentative d’insurrection». M. Masra avait fui le pays.
«Trahison»
Il y est revenu le 3 novembre dernier, trois jours après avoir signé un «accord de réconciliation» avec la junte amnistiant notamment tous les manifestants du 20 octobre 2022. Mais aussi «leurs tueurs», s’étranglait l’opposition qui l’accusait de «trahir» leur cause et ses propres militants «massacrés».
Sa candidature est «une farce, une candidature postiche pour accompagner le chef du pouvoir militaire», s’énerve auprès de l’AFP Max Kemkoye, porte-parole de la deuxième plateforme de l’opposition, le Groupe de Concertation des Acteurs Politiques (GCAP).
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«Une candidature qui vise à accompagner l’actuel Président pour légitimer son élection», renchérit pour l’AFP Mahamat Zène Chérif, président du parti Tchad Uni.
L’annonce de M. Masra intervient aussi 11 jours après la mort du principal rival politique du général Déby, son propre cousin Yaya Dillo Djérou, tué le 28 février par des militaires dans l’assaut du siège de son Parti Socialiste sans Frontières (PSF).
«Assassinat»
D’une balle dans la tête à bout portant, selon le PSF, un «assassinat» destiné à l’écarter de la course à la présidentielle selon l’opposition, ce que nie le gouvernement.
«Après l’assassinat de Yaya Dillo, Masra accompagne le pouvoir dans un processus vicié d’avance, il sera maintenu Premier ministre après l’élection», prédit pour l’AFP Avocksouma Djona Atchenemou, président du parti Les Démocrates.
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Même son de cloche chez les politologues.
«C’est une candidature prétexte car il faut d’autres candidats contre M. Déby pour dire qu’il y a un jeu démocratique», analyse Kelma Manatouma, chercheur et professeur de sciences politiques à l’université de N’Djamena.
«Une candidature arrangée pour propulser Masra à la tête d’une grande institution comme l’Assemblée nationale ou autre, en récompense après les élections», veut croire le constitutionnaliste Ahmat Mahamat Hassan.
«Il n’y a jamais eu de dévolution pacifique du pouvoir par des élections au Tchad, le pouvoir est gagné par les armes et conservé par les armes, et tous les exercices démocratiques ne sont que des manoeuvres cosmétiques de légitimation», analyse ce consultant en sciences politiques, en évoquant les six élections triomphales du Maréchal Déby depuis son coup d’Etat en 1990, face à des candidatures faire-valoir souvent suscitées par le pouvoir.