Transition au Tchad: début de campagne pour un référendum constitutionnel

Le chef de la junte tchadienne Mahamat Idriss Deby Itno assiste à la cérémonie de clôture du forum du Dialogue national souverain inclusif (DNIS) à N'Djamena, le 8 octobre 2022.. AFP or licensors

Le 25/11/2023 à 06h42

La campagne pour le référendum constitutionnel prévu le 17 décembre au Tchad s’ouvre samedi, étape-clé vers des élections promises, puis repoussées à 2024, par la junte militaire au pouvoir depuis deux ans et demi.

La nouvelle Constitution proposée n’est pas très éloignée de la précédente qui concentrait déjà d’importants pouvoirs dans les mains du chef de l’Etat de ce vaste pays pauvre d’Afrique centrale.

Les partisans du oui, derrière le pouvoir, militent pour un Etat unitaire, et ceux du non prêchent pour le fédéralisme.

Mais au delà de cette opposition, le vote dessine une forme de plébiscite selon l’opposition, des ONG et des politologues: pour ou contre le maintien, par des élections, du général Mahamat Idriss Déby Itno, président de transition, et la perpétuation d’une «dynastie» après 30 années de règne absolu de son père Idriss Déby Itno, tué en 2021.

Plus de 8,3 millions de Tchadiens, sur une population de 18 millions, seront invités à voter dans ce pays sahélien partagé entre un nord désertique et sa population musulmane qui domine le pouvoir depuis plus de 40 ans, et un sud plus fertile majoritairement peuplé de chrétiens et animistes.

Le Tchad était le deuxième pays le moins développé au Monde en 2022, selon l’Indice de Développement Humain (IDH) de l’ONU, et classé 167ème sur 180 pays dans l’Indice de perception de la corruption de Transparency international.

Elections «libres»

Le 20 avril 2021, une junte de 15 généraux proclame son chef, le général Mahamat Déby, 37 ans, Président de transition, à la mort de son père tué par des rebelles en se rendant sur le front.

Il promet aussitôt de rendre le pouvoir aux civils par des élections «libres» après une «transition» de 18 mois. Et de ne pas s’y présenter.

Mais 18 mois plus tard, sur recommandation d’un «Dialogue national» boycotté par la grande majorité de l’opposition et les plus puissants groupes rebelles, Mahamat Déby prolonge de deux ans et s’autorise à participer à la future présidentielle, troquant au passage l’uniforme contre une tenue civile.

«Au-delà de la forme de l’Etat, l’enjeu principal (du référendum) est de permettre au pouvoir de tester sa popularité et sa légitimité, qui sera déterminée par le taux de participation», analyse pour l’AFP Issa Job, professeur de droit à l’université de N’Djamena.

«La forme de l’Etat n’est pas la priorité», renchérit l’ancien président de la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH) Enock Djondang, pour qui «tous ceux qui rejettent ce régime ne peuvent que voter contre ce qu’il propose».

L’opposition la plus radicale, dont une partie des ténors se sont exilés depuis la répression sanglante d’une manifestation le 20 octobre 2022, appelle au boycott de cette «mascarade».

Un «processus électoral solitaire» pour la «perpétuation d’un système dynastique», selon le Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP), plate-forme d’une vingtaine de partis.

«Massacre»

Le 20 octobre 2022, entre une centaine et plus de 300 personnes, selon l’opposition et les ONG nationales et internationales, ont été tuées par balles par les policiers et militaires, essentiellement à N’Djamena, lors d’une manifestation pour protester contre la prolongation de deux ans au pouvoir de Mahamat Déby.

N’Djamena n’en reconnaît qu’une cinquantaine, dont six membres des forces de sécurité.

Jeudi, le pouvoir a amnistié «tous les civils et militaires» impliqués dans les «événements» du 20 octobre 2022, invoquant une «volonté de réconciliation nationale». L’opposition, elle, s’est insurgée contre une loi d’amnistie générale destinée à «soustraire à la justice les policiers et militaires auteurs d’un massacre».

Toute manifestation hostile au pouvoir est systématiquement interdite depuis un an, à l’exception récente de celle de l’un des principaux opposants, Succès Masra, revenu d’exil après avoir signé un «accord de réconciliation» avec Mahamat Déby.

Le 13 octobre, l’ONG Human Rights Watch (HRW) s’est inquiétée de «tentatives de limiter la dissidence politique avant le référendum». «Pour qu’il ait une quelconque légitimité, les partis d’opposition et leurs dirigeants doivent se sentir libres de se réunir et faire campagne. Dans le cas contraire, le référendum risque d’être perçu comme un moyen de transformer le gouvernement de transition en un gouvernement permanent», a jugé l’ONG internationale.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 25/11/2023 à 06h42