Mines: le fer brûlant du Sénégal et de la Guinée

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Le 05/07/2016 à 16h44

Le fer guinéen et sénégalais est-il maudit? Alors que ces deux pays disposent de l'une des plus importantes réserves de fer du monde, ils peinent à trouver des partenaires. Avec un cours de 60 dollars la tonne (114 dollars en 2014), difficile de rentabiliser des projets intégrés.

Rio Tinto vient d'annoncer qu'il renonçait à son projet de Simandou en Guinée. La deuxième plus grosse compagnie minière dans le monde, selon Price Waterhouse Cooper, évoque les cours internationaux bas qui ôtent tout espoir de rentabilisation des lourds investissements.Pour Simandou, il faudrait en effet plus de 20 milliards de dollars d’investissement que les cours actuels de 50-60 dollars la tonne de fer ne permettront pas de rentabiliser. C'est en tout cas ce qu'a déclaré Jean-Sebastien Jacques, le nouveau directeur général de Rio Tinto.DéceptionL'information est relayée par la presse guinéenne qui s'en est fait un large écho à l'image de la déception des officiels et du Guinéen de la rue. Il y a moins de deux mois, le groupe minier anglo-australien semblait encore enthousiaste à l'idée d'investir en Guinée. Il avait déposé en mai 2016 l'étude de faisabilité du projet, comprenant l'étude de la mine et des infrastructures exigées, notamment la réalisation d'un chemin de fer devant permettre d'acheminer le minerai au port de Conakry.Plus gros gisement de fer au mondeSimandou est considéré comme le plus grand gisement de fer inexploité au monde. En 2014, les projections faisaient état d'un revenu prévisionnel de 7,5 milliards de dollar par an. Le PIB guinéen qui est autour de 6,2 milliards de dollars devait augmenter de quelque 5,6 milliards de dollars dans les premières années d'exploitation. Cela correspondrait à la plus forte croissance économique dans le monde.C'est donc un coup dur pour le gouvernement guinéen qui ne l'entend pas de cette oreille. Abdoulaye Magassouba, le ministre des Mines, a d'ores et déjà annoncé que son pays cherche le meilleur montage financier pour concrétiser ce projet. Il y a de quoi, puisque le gisement pourrait permettre de produire chaque année 100 millions de tonnes de minerai pendant 40 ans.Fer maudit dans la sous-régionEst-ce que le fer de la région est maudit? La question mérite d'être posée puisque le Sénégal également est dans un cas similaire avec son fer inexploité de la Falémé, dans la région de Kédougou à la frontière avec la Guinée. Selon l'Agence de promotion des investissements (Apix) au Sénégal, la Falémé aurait pu permettre d'extraire entre 15 et 25 millions de tonnes de fer par an.Cependant, à l'image du fer guinéen, son acheminement vers le port de Dakar demande la construction de 750 kilomètres de voies ferrées. Au total, toujours selon les études de l'Apix, cela demande un investissement de 1200 milliards de francs Cfa, soit l'équivalent de 2,2 milliards de dollars environ.Mittal avait renoncé au SénégalUn contrat avait même été signé avec l'Indien Mittal par l'ancien régime d'Abdoulaye Wade. C'était au moment où les cours du fer, tirés par la croissance chinoise et indienne, atteignaient des sommets, il y a une dizaine d'années. Le cours du fer était passé de 37 à plus 60 dollars en l'espace d'un mois, entre décembre 2007 et janvier 2008. C'est ce qui avait motivé la signature du contrat. Mais en janvier 2009, Mittal a informé le gouvernement sénégalais qu'il renonçait à son projet. Pourtant les prix ont continué à augmenter, atteignant même le pic de 187 dollars en février 2011.Mais aujourd'hui les prix sont redevenus très bas, flirtant avec les 60 dollars, contre 114 dollars en mai 2014. Par conséquent, les investissements qui était jugés rentables il y a deux ans, ne le sont plus actuellement. Il faudra encore attendre, que la croissance mondiale reprennent ou que les réserves des grands producteurs s'épuisent.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 05/07/2016 à 16h44