Le collège Didier Marie (privé et catholique) de Saint-Louis a notifié aux parents d’élèves l’interdiction du port du voile à partir de la rentrée. Une décision qui suscite l’indignation des parents d’élèves dans un pays à 95% musulman. Les associations religieuses de la vieille ville multiplient les sorties dans les médias pour s’insurger contre une telle mesure.
Hier, lors d’un point de presse organisé à Saint-Louis, l’association des imams de Saint-Louis a ainsi qualifié cette décision, par la voix de son porte-parole, Dr Abdallah Ndoye, de «contraire aux prescriptions de l’islam, qui donne injonction aux musulmanes de porter le voile».
L’association des imams de Saint-Louis, qui invite ses membres à consacrer leur sermon de ce vendredi à cette question, prévoit d’aller rencontrer l’ensemble des chefs religieux du Sénégal, notamment les guides des puissantes confréries, pour les «sensibiliser et les associer» dans ce combat.
Le ministre de l’Education nationale et les autorités sénégalaises ne se sont pas, pour le moment, prononcés publiquement sur cette affaire qui pourtant commence à prendre de l’ampleur. Saisi par les associations islamiques, le gouverneur de Saint-Louis a formulé une demande auprès de l’établissement concerné pour que cette mesure d’interdire le voile soit reportée au moins pour une année. Le temps de trouver une solution.
Dans une contribution envoyée aux médias, le 27 juillet intitulée «Voile, médias et dialogue interreligieux», Marie Ndiaye, qui se définit comme «une citoyenne inquiète», expliquait dans cette réflexion que l’Eglise et l’enseignement catholique ne s’opposent pas au port du voile, rappelant les récents propos du pape François disant que chacun doit être libre de porter le foulard, le voile ou la croix, quand il veut et où il veut.
Toutefois, ajoutait-elle, «il arrive des situations où le projet éducatif de l’école et le vivre ensemble, l’harmonie de la communauté scolaire sont en jeu et cela peut pousser un directeur d’établissement à prendre ce genre de mesure», citant des cas d’élèves qui «refusent de s’intégrer, de donner la main à d’autres élèves», etc.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, face à la crise de l’école publique, beaucoup de parents musulmans aisés préfèrent amener leurs enfants dans des écoles privées catholiques réputées plus sérieuses et de meilleur qualité.
C’est pour cette raison d’ailleurs que même s’ils s’insurgent contre la décision des responsables du collège Didier Marie, les associations islamiques de Saint-Louis reconnaissent implicitement que les musulmans n’ont qu’à s’en vouloir à eux-mêmes. «Il est temps que les musulmans s’organisent (en créant des écoles privées de qualité) pour que de pareilles situations ne se reproduisent. Il est aussi temps que les autorités prennent à bras-le-corps la question de l’éducation car c’est à cause de la crise scolaire que les parents musulmans que nous sommes avons été contraints d’envoyer nos enfants dans les écoles catholiques», explique Dr Abdoulaye Ndoye.
En effet, en dehors du privé catholique, les seules écoles privées de qualité au Sénégal sont celles du groupe Yavuz Selim appartenant au prédicateur turc Fetullah Gulen, que le gouvernement turc cherche à fermer.
Cependant, les établissements privés du catholique sont soumis aux mêmes règles que l’école publique – et donc qu’il n’y a pas dans le règlement une disposition qui interdit expressément le voile.
Dans tous les cas, cette affaire sensible met à l’épreuve le dialogue islamo-chrétien et de cohabitation harmonieuse entre chrétiens et musulmans qui vaut au Sénégal d’être cité en exemple partout dans le monde.