Le Sénégal est un pays réputé pour son hospitalité, mais qui est fidèle à ses valeurs. Au moment où Idrissa Gueye fait face aux critiques en France, la police sénégalaise a dit mercredi enquêter sur une agression collective au caractère homophobe présumé.
Documentée par différentes vidéos circulant sur les réseaux sociaux, elle serait survenue mardi à Dakar, sans qu'on sache clairement si elle a pu être incitée par la controverse autour de Gueye, star vénérée au Sénégal où il est vice-capitaine de l'équipe nationale.
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Une foule en colère de plusieurs dizaines d'hommes encercle dans une rue en plein jour un jeune homme pieds nus et seulement vêtu d'un caleçon. Il est tenu fermement aux poignets, un filet de sang sur ses épaules, et reçoit des claques sur le dos et la tête.
«L'homosexualité ne sera pas acceptée au Sénégal», lui crie-t-on.
Des témoins interrogés par l'AFP dans un quartier de la capitale ont confirmé qu'un jeune homme y a été battu et victime d'insultes homophobes mardi, avant d'être amené dans un commissariat. On ignore son sort. La police a juste indiqué qu'une enquête était en cours.
En France, Idrissa Gueye est soupçonné d'avoir déclaré forfait pour éviter de porter un maillot floqué aux couleurs de l'arc-en-ciel des fiertés LGBT lors d'un match samedi dernier, dans le cadre d'une opération organisée par la Ligue de football professionnel (LFP) et intitulée «Homos ou hétéros, on porte tous le même maillot».
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Le footballeur n'avait pas non plus joué l'an dernier lors de cette même opération. Il ne s'est pas exprimé publiquement. La Fédération française l'a sommé de s'expliquer.
Il a reçu un flot de soutiens au Sénégal où il est adulé, comme ses coéquipiers de sélection vainqueurs de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) en février, pour la première fois dans l'histoire du pays. Le trophée de la CAN doit d'ailleurs faire une tournée du pays à partir de cette semaine.
«Ancré dans ses valeurs»
A la suite d'autres personnalités, dont le chef de l'Etat Macky Sall en personne, le président de la Fédération sénégalaise, Augustin Senghor, a manifesté son appui mardi soir.
Idrissa Gana Gueye est «dans son bon droit», a-t-il déclaré à la presse. «Il est resté ancré dans ses valeurs, dans ses principes, dans sa foi qui font la "sénégalité", qui font l'"africanité" de tout un continent».
Dans ce pays musulman à 95% et très pratiquant, l'homosexualité est largement considérée comme une déviance. La loi sénégalaise y réprime d'un emprisonnement d'un à cinq ans les actes dits «contre nature avec un individu de son sexe».
L'homosexualité est aussi volontiers décriée comme un instrument employé par les Occidentaux pour imposer des valeurs totalement étrangères à la culture et aux traditions sénégalaise.
Des homosexuels, contraints à la plus grande discrétion, se plaignent d'une montée des agressions et des propos homophobes ces dernières années. Quelques vidéos montrant de présumées agressions homophobes ont circulé sur les réseaux sociaux.
Les homosexuels indiquent que certains d'entre eux ont quitté le pays pour échapper aux discriminations, pour demander l'asile en Europe ou même se réfugier dans des pays de la région où la question est moins épidermique.
L'une des principales personnalités politiques nationales et principal opposant au président Macky Sall, Ousmane Sonko, a lancé mardi soir une charge virulente contre les Occidentaux et la France à propos de l'affaire Gueye.
«Les "toubabs" (les Blancs, en wolof) croient que nous sommes des ordures et qu'eux seuls ont des valeurs», a-t-il dit à la presse.
«Aujourd'hui, il faut qu'ils nous imposent l'homosexualité (...) Eux seuls ont des valeurs. Jusqu'à quand ? Ce qu'il (Gueye) a fait, c'est un acte de courage. Nous tous, sans distinction de religion, devons le soutenir», a-t-il lancé.
Le président Sall, dont le pays est souvent cité en exemple d'Etat de droit en Afrique, a toujours invoqué les spécificités culturelles sénégalaises pour refuser une dépénalisation de l'homosexualité, y compris devant des dirigeants étrangers.