Les engins à deux ou trois, bien qu’essentiels pour la mobilité de certaines personnes et très prisés des Abidjanais, sont fréquemment impliqués dans des comportements dangereux et des infractions au code de la route.
Selon l’Office de sécurité routière (OSER), en 2023, la Côte d’Ivoire a enregistré 13.310 accidents corporels, causant 1.129 décès et 18.134 blessés. Les utilisateurs d’engins à deux ou trois roues représentent 37% des décès liés aux accidents de la route.
En décembre dernier, lors de l’opération «Épervier sur nos routes» menée à Abidjan, 13.527 véhicules ont été mis en fourrière, dont 8.479 motos et tricycles, soit environ 63% du total. Cette opération visait à contrôler la conformité des documents obligatoires tels que le certificat de visite technique, l’assurance et les plaques d’immatriculation.
Face donc à cette situation préoccupante, le ministère des Transports a annoncé l’interdiction totale des engins à deux et trois roues sur le boulevard Félix Houphouët-Boigny (ex-VGE) à compter de ce mois de janvier 2025. «Cette décision vise à renforcer la sécurité routière sur ces axes majeurs d’Abidjan, suite à une série d’accidents graves impliquant ces véhicules», expliquent les responsables en charge des transports.
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Dans les rues de la capitale, de nombreux citoyens se réjouissent de cette initiative, estimant qu’elle contribuera à améliorer la sécurité routière. Olivier Zago, résident à Yopougon, comprend cette décision. «C’est une bonne décision. Si ça tenait qu’à moi, ces motos et tricycles ne devraient pas rouler en ville, ils sont faits pour la campagne. Car ils causent trop d’accidents à cause des vitesses excessives avec lesquelles ils roulent… Cela va réduire les risques pour nous tous».
C’est donc le lieu d’appeler ces conducteurs d’engins à deux et trois roues à adopter des comportements responsables, à respecter le code de la route et à se conformer aux réglementations en vigueur.
Feux tricolores? Connais pas
L’objectif du gouvernement est de réduire de 50% le nombre de victimes d’accidents de la route d’ici à 2030, une ambition qui nécessite la collaboration de tous les acteurs du secteur des transports et des usagers de la route. «Le tort que causent par ces engins sont innombrables nous en sommes conscients. En plus beaucoup d’entre eux ne respectent pas les feux de signalisation. Ils se disent que les feux de signalisation sont réservés aux voitures. Ç'est pourquoi nous allons essayer d’aider nos autorités à assainir ces axes en faisant en sorte que ces véhicules respectent l’engagement pris par l’Etat», a déclaré Sidiki Konaté, président de syndicat de transporteurs professionnels.
Cependant cette interdiction suscite des inquiétudes parmi les usagers, notamment les livreurs à moto et au tricycle qui dépendent de ces axes en termes de rapidité pour leurs activités quotidiennes.
Dans plusieurs communes, certains tricycles habituellement très demandés seront désormais contraints à emprunter des voies de détournement pour accéder à leurs clients; les chauffeurs s’en inquiètent «Quelque part en prenant cette décision, l’Etat vise à nous protéger nous-même à cause de l’imprudence de certains de nos collègues, mais souvent les déviations qui nous réservées sont barricadées par les activités des habitants. Pour quelqu’un qui commande un plat à midi, et, en voulant dévier, vous risquez d’arriver en retard. Le client peut refuser le plat», se soucie Emmanuel Kacou, livreur à moto.
Pas d’autre choix que de se faufiler
A Abidjan, les petits commerçants à faibles revenus n’ont pas d’autres moyens de transport pour leurs marchandises. Ils utilisent tous ces engins pour transporter leurs marchandises. Pour eux, cette interdiction aura un impact considérable et direct sur leurs activités et celles des propriétaires de moto qu’elle soit tricycle ou deux roues, comme l’explique Aramatou Fofana, interrogée sur le boulevard Nangui Abrogoua d’Adjamé.
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«Ce n’est pas bon pour nous ! Les locations de camions sont de plus en plus chères et souvent ils ne peuvent pas accéder aux lieux de sollicitation à causes de l’état des voies, ce sont ces tricycles qui peuvent nous aider. Mais si on va les interdire sur les boulevards, comment nous qui les sollicitons au quotidien, allons-nous faire? C’est dans ça que nous nourrissons nos familles», s’alarme la commerçante.
Konaté Arouna, chauffeur de VTC qui a déjà eu un accident avec l’un d’eux, estime qu’il faut aménager des routes réservées aux deux-roues. «Je pense que le gouvernement devrait aménager des voies réservées aux deux-roues sur les boulevards pour assurer une circulation plus sécurisée et fluide, parce qu’il n’y a vraiment pas de routes pour les motos sur les grandes routes. Ils doivent donc se faufiler au milieu des voitures mettant en danger tout le monde. J’ai moi-même déjà eu un accident avec une moto. C’était très rapide car ils voulaient s’enfuir rapidement», décrie-t-il.
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Le directeur général des Transports terrestres et de la circulation, Oumar Sacko, a souligné que des mesures de contrôle strictes seront mises en place pour assurer le respect de cette interdiction, notamment par l’intensification des contrôles routiers et l’utilisation de la vidéo-verbalisation.
En plus de l’interdiction des deux et trois roues sur les principaux axes routiers d’Abidjan, il est désormais exigé des usagers de ces véhicules le port obligatoire du casque, du permis de conduire, de l’assurance, de la vignette et le respect des feux de signalisation et du code de la route.
A cet effet, des campagnes de sensibilisation sont prévues pour informer les usagers des nouvelles mesures et des alternatives de circulation qui leur seront proposées.