Une «pluie» de roquettes s’est abattue sur eux, a raconté à l’AFP une source sécuritaire.
Les explosions ont transformé le camp en brasier. Au sol, les soldats camerounais ont été pris de court par des jihadistes qui se sont mêlés aux éleveurs lors du marché hebdomadaire avant de lancer l’assaut.
Les assaillants ont aussi bénéficié d’un avantage considérable: l’utilisation militaire de drones civils, selon un document des renseignements nigérians consulté par l’AFP.
25 soldats camerounais ont péri dans l’attaque, ont indiqué à l’AFP des sources locales. L’armée camerounaise a reconnu 12 soldats tués.
Cet assaut, l’un des plus meurtriers revendiqués par le groupe jihadiste État islamique dans la région, illustre l’utilisation croissante en Afrique de l’Ouest de drones FPV («First Person View»), des appareils qui permettent à leurs pilotes de voir les images du terrain en direct comme s’ils étaient à bord.
Au Nigeria comme ailleurs, ces drones ont été utilisés à des fins de surveillance et de propagande filmée. Mais ils ont été détournés de ces objectifs: les jihadistes et les séparatistes les utilisent désormais pour mener des attaques, transformant ces petits appareils en y ajoutant une charge explosive.
«C’est une technologie accessible, à portée de main, de plus en plus facile à utiliser et de moins en moins chère», explique Wassim Nasr, chercheur au Soufan Center et journaliste à France 24.
Lire aussi : Un jeune inventeur pilote la fabrication d’un avion-drone «made in Mali»
«C’était inévitable de voir débarquer ces drones armés au Nigeria et ailleurs au Sahel», ajoute-t-il.
«Drones suicides»
L’utilisation de drones armés par les groupes non étatiques vient défier la domination aérienne des armées sahéliennes, elles-mêmes responsables de centaines de morts civils liés à l’utilisation de drones militaires turcs, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Nigeria.
En février, les rebelles touareg maliens ont affirmé avoir abattu un hélicoptère de l’armée malienne à Tessalit (nord) à l’aide d’un drone armé. Mais l’armée a nié cette version, disant que l’engin avait été «intercepté».
Au Mali et au Burkina, les groupes jihadistes ont revendiqué à plusieurs reprises des attaques de drones contre des positions militaires, en lançant des grenades depuis les airs ou via des «drones suicides» bourrés d’explosifs qui s’écrasent sur leurs cibles, explique dans une analyse WAMAPS, un groupe de journalistes ouest-africains spécialisé dans l’actualité sécuritaire au Sahel.
Fin 2024, une attaque de drone a blessé cinq soldats nigérians sur la base militaire de Wajirko, dans le nord-est du pays.
Pour prévenir d’autres incidents similaires, les autorités nigérianes ont interdit en janvier l’utilisation de drones civils dans cette région, ravagée par les attaques de Boko Haram et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP).
«L’utilisation de drones armés dans les combats marque une nouvelle phase dangereuse de l’insurrection de l’ISWAP», a récemment avertit l’Institut d’études de sécurité (ISS).
Lire aussi : Qui sont les pays africains qui disposent des plus importantes flottes de drones militaires?
Cependant l’usage de drones FPV chez les groupes armés reste dispersé et parfois «rudimentaire», précise à l’AFP Charlie Werb, analyste chez Alert:24, une société de conseil en risques.
«Évolution de la menace»
Pour Wassim Nasr, il ne faut pas considérer ces drones comme un «facteur décisif» dans la guerre des jihadistes, car «posséder un drone ne signifie pas forcément savoir l’utiliser efficacement».
Par ailleurs, la réticence de certains groupes jihadistes à modifier leurs drones de surveillance pour en faire des drones armés montre que ces appareils restent relativement difficiles à obtenir dans la région, même si les chaînes d’approvisionnement se sont améliorées ces dernières années, détaille M. Nasr.
Toutefois, le contrôle du ciel n’est plus l’apanage des seuls armées sahéliennes et l’utilisation de drones armés par les jihadistes et autres séparatistes de la région est une évolution significative. Car ces groupes armés, jusqu’ici retranchés en milieu rural, ont désormais la possibilité de frapper les grandes agglomérations. Ce qui est «une évolution de la menace», avertit Charlie Werb.
Le général Godwin Mutkut, qui dirige une coalition multinationale contre les jihadistes dans la région du lac Tchad, a souligné lors d’une réunion en janvier que les pays membres manquaient globalement d’équipements anti-drones, selon un rapport de l’Institut d’études de sécurité.
Les rares équipements profitent notamment à la sécurisation de certains sites très sensibles ou de personnalités de premier plan, comme le chef de la junte burkinabè Ibrahim Traoré.
Bienvenue dans l’espace commentaire
Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.
Lire notre charte