Après quatre mois de guerre sanglante pour le pouvoir entre l’armée et les paramilitaires, ils sont, d’après l’ONU, près de 380.000 Soudanais, principalement des femmes et des enfants, à avoir traversé la frontière.
Dans le camp d’Aura à Adré, ville de l’est du Tchad frontalier du Darfour, ils s’entassent sous des tentes des organisations humanitaires internationales.
Hawa Moussa, 30 ans, y est assise à même le sol, son nouveau-né sur les genoux.
Un jour de juin, alors que le Darfour-Ouest s’embrasait, que son gouverneur était assassiné et que tout le monde redoutait les exécutions sommaires des miliciens arabes alliés des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), elle est partie en catastrophe au milieu de la nuit.
«J’étais encore enceinte, j’ai attaché mon cadet sur mon dos et j’ai pris mon aîné par la main», raconte-t-elle à l’AFP.
Au Darfour, le conflit est désormais ethnique: des rescapés ont raconté à l’AFP comment les miliciens arabes abattent des civils uniquement parce qu’ils ne sont pas Arabes.
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Face aux violences, dans cette vaste région grande comme la France où vivent un quart des 48 millions de Soudanais, l’exode a été massif. Et certains ont dû partir pour la deuxième fois de leur vie, car la région comptait déjà des milliers de familles déplacées par l’atroce guerre de 2003.
«Ni eau ni nourriture»
Aujourd’hui, la Cour pénale internationale (CPI), qui enquête sur le «génocide» des années 2000, met en garde contre une répétition de l’histoire.
A Aura, la plupart des réfugiés ont fui El-Geneina, le chef-lieu du Darfour-Ouest où plus de 1.000 personnes sont mortes en quelques jours selon l’ONU, des exactions qui pourraient constituer des «crimes contre l’humanité».
Le bilan est sûrement bien plus élevé car, encore plus qu’ailleurs au Soudan, les réseaux de communication sont quasiment totalement coupés au Darfour. Et, dans le chaos des combats, des corps se décomposent, abandonnés, en travers des rues de villes désormais fantômes.
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Human Rights Watch (HRW) et de nombreuses autres organisations des droits humains rapportent aussi «des passages à tabac, des exécutions, des pillages, des maisons, des entreprises et des administrations incendiées».
«On nous a recommandé une route mais même là, quatre d’entre nous ont été blessés, on a erré pieds nus pendant sept jours dans El-Geneina», raconte, en sanglots, Souad Ibrahim, 41 ans.
«On n’avait ni eau ni nourriture et alors même que j’étais enceinte de sept mois, j’ai dû porter mon fils de quatre ans sur mon dos et ma fille de six ans suivait à pied» durant les 35 kilomètres qui séparent El-Geneina d’Adré, déclare à l’AFP cette Soudanaise drapée dans un voile rose et noir.
«Ciblées parce que Massalit»
Et le trajet est particulièrement dangereux pour les femmes, qui en plus des attaques de miliciens et des balles perdues, redoutent le viol, communément utilisé dans les violences au Soudan depuis des décennies.
Selon HRW, à El-Geneina et sur la route vers le Tchad, rien qu’entre avril et juin, «les FSR et les milices arabes alliées ont violé au moins 78 femmes et jeunes filles».
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«Les assaillants semblaient viser les femmes appartenant à l’ethnie des Massalit», l’ethnie non-arabe majoritaire à El-Geneina, affirme HRW.
Mais fuir le viol à El-Geneina signifie aussi souvent s’exposer à d’autres dangers en dehors de la ville.
«Ma femme et mes enfants sont partis en premier vers le Tchad», raconte à l’AFP Adam Haroun, qui a depuis rejoint sa famille à Aura.
Sur leur trajet «ils ont été attaqués par (des miliciens arabes) Janjawids et ma femme a été touchée par une balle à la jambe», affirme ce Soudanais de 39 ans, vêtu d’une jellaba élimée. «Aujourd’hui, elle est prise en charge par une ONG dans un dispensaire».
Adam et sa famille, Hawa, Souad et leurs enfants sont maintenant à l’abri au Tchad. Mais ailleurs au Darfour, tous n’ont pas la possibilité de fuir le pays.
Les combats se concentrent désormais à Nyala, chef-lieu du Darfour-Sud et deuxième plus grande ville du Soudan.
De là, la frontière la plus proche est celle avec le Soudan du Sud. A 200 kilomètres.