Lancée en 2005 sous le nom de «Trois hommes, un village», puis cinq ans plus tard pour une deuxième saison, la série met en scène les rivalités et les complicités de trois principaux personnages, un chef de village, un imam et un curé, aux caractères bien trempés.
Rebaptisée «Bienvenue à Kikidéni» pour ce troisième volet actuellement en tournage près de Ouagadougou, la série «met à nu les faits de société», explique la comédienne et réalisatrice Aminata Diallo-Glez, «très émue de boucler un projet», après «une dizaine d’années sans tourner».
«En prise avec son époque, cette nouvelle saison abordera notamment les questions de l’insécurité, de la cohabitation des communautés, du féminisme, du fondamentalisme religieux, des pandémies ou encore de l’écologie».
Car en dix ans la situation politique et sécuritaire du pays a évolué: le Burkina fait face à des violences jihadistes récurrentes sur une grande partie de son territoire et est gouverné par une junte militaire arrivée au pouvoir par un coup d’Etat l’an dernier.
Impact de l’insécurité
L’insécurité a «impacté le tournage», reconnaît la réalisatrice.
«Avant, on tournait à Ziniaré, (à 35 km au nord de Ouagadougou) et on dormait là-bas. Mais maintenant, on ne peut plus faire cela. On a essayé de trouver un village, Wanvouss, assez proche de Ouagadougou, qui répondait aux exigences de décor avec un environnement un peu rural», explique-t-elle.
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Sur le plateau du tournage, où quelques éléments de décor comme le Palais royal, l’église ou l’école, ont été construits pour les besoins du film, les scènes s’enchaînent, en lien avec l’actualité.
Donnant la réplique au curé sur la question d’une initiative collective de défense du village, l’imam, campé par le comédien Rasmané Ouédraogo dit «Razo» affirme: «mes seuls poings suffisent à dissuader tout ennemi».
La séquence fait référence à la décision des autorités de transition au Burkina Faso qui ont décrété mi-avril la «mobilisation générale» pour faire face aux attaques qui frappent le pays.
«Quelque part, il faut aussi des engagements personnels. On ne confie pas forcément sa sécurité à quelqu’un d’autre», explique à l’AFP «Razo», le comédien de 70 ans qui s’est lui-même enrôlé dans les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils qui combattent les violences jihadistes aux côtés de l’armée.
«On peut trouver la solution quand on se parle, qu’on discute ensemble, qu’on cherche ensemble les solutions. On aboutit forcément à l’apaisement et à la cohésion sociale», poursuit-il.
«On peut vivre dans la paix»
«Nous essayons de montrer le bonheur qu’il y a à vivre ensemble dans la différence. On montre que la contradiction est possible, et qu’on peut vivre dans la paix et la cohésion sociale. Les gens s’y retrouvent parce que c’est simplement humain», soutient Ildevert Méda qui lui donne la réplique dans le rôle du curé de Kikidéni.
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Mais le scénario n’est cependant «pas traité par rapport au seul contexte burkinabè», explique «Razo» qui y voit une raison du succès de la série dans toute l’Afrique francophone.
«Tous les problèmes posés ici sont des problèmes universels. Qu’on parle d’intégrisme religieux, de cohésion sociale, de vivre-ensemble ou de tolérance, c’est la grande question partout et c’est d’actualité», assure-t-il, reconnaissant une «certaine responsabilité dans ce nécessaire dialogue qu’il faut ouvrir entre les gens».
Et le «curé» Ildevert Méda d’abonder: «C’est la vie au quotidien, avec des grosses rivalités humaines entre les trois acteurs principaux. Mais en même temps, on prouve que la différence n’est pas un frein, mais plutôt une richesse».
«Ce que nous traversons n’est qu’un moment difficile qui va passer parce qu’il y aura forcément un sursaut de toutes nos communautés qui comprennent que ce qui nous réunit est plus important que ce qui nous sépare», espère t-il.
Le tournage de cette troisième saison qui compte 20 épisodes de 26 minutes doit être bouclé fin juillet.
Elle sera diffusée sur Canal+ et la télévision publique burkinabè, début 2024, selon la production.