Cameroun. Entre héritage colonial et orpaillage artisanal: Batouri, la ville de toutes les misères

La ville de Batouri située dans la région de l’Est-Cameroun.

Le 08/09/2025 à 15h03

Ressources minières incluant or et diamant, forêts généreuses, populations travailleuses... En dépit de ces richesses, Batouri qui a assuré 37% des 486,55 millions de FCFA de recettes de diamant, peine à se départir d’un mal qui lui colle à la peau: le sous-développement.

La ville de Batouri est située dans la région de l’Est-Cameroun dans le département de la Kadey. Par le passé, la ville a été le chef-lieu de cette circonscription administrative. Batouri, 38.437 km² soit le tiers de la superficie globale de la région de l’Est, est un centre urbain qui compte plusieurs localités: Akakélé, Aviation, Banyo,Gbabélé, Houpi, Touki, Yoko...

Batouri est une ville coloniale fondée vers les années 1890 par les Allemands. À ce jour, plusieurs édifices de la période coloniale sont encore visibles et le chef de 3ème degré, Marigoh Mboua Marcel Elie, arrière-petit-fils du chef supérieur Batouri Mboua, se plait à les énumérer.

«Le bâtiment qui abrite actuellement le palais de justice a été construit par les colons allemands. Il en est de même pour l’ancienne prison. Pareil pour la plupart des bâtiments érigés le long de la rue de la mairie. En clair, ce sont les Allemands qui ont construit cette ville avec l’aide de nos grands-parents. Nous profitons de leurs manguiers jusqu’à présent», a-t-il déclaré.

Par le passé, les populations vivaient essentiellement de l’agriculture, de la pêche et de la chasse. Mais depuis quelques années, les habitants de cette région ont fait de l’exploitation artisanale de l’or leur activité principale, rivalisant avec les grands exploitants étrangers comme les Français et les Chinois.

Batouri est une zone forestières et fauniques. Dans cette localité sont également exploités des minerais comme la bauxite, le cobalt, le manganèse et même le diamant.

Cependant, orpaillage et exploitation forestière ne vont pas de pair. D’après une enquête de l’ONG Forêt et Développement Rural (Foder), réalisées sur la base de données collectées entre 2010 et 2024, sur l’exploitation minière artisanale dans le département de la Kadey, notamment à Batouri, Kette et Kentzou.

La superficie dédiée à l’exploitation aurifère est passée d’à peine 82,48 hectares en 2010 à 4.639,69 en 2024. «L’arrondissement de Batouri est le plus touché par cette progression, voyant ses zones d’exploitation bondir de 79 ha à 3 247 ha sur la même période» alerte l’ONG.

Cependant, le diamant échappe en grande partie aux circuits de l’Etat. En 2022, la production totale de diamant brut au Cameroun a été estimée à 7.431 carats, en augmentation par rapport aux 2.667,82 carats de l’année précédente. «La majeure partie provient du secteur informel» précise le rapport «Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Cameroun.» Et la palme de diamant revient à Batouri qui a assuré 37,29% des 486,55 millions FCFA de recettes.

Il en est de même pour l’or. La région de Batouri demeure la principale zone de production du métal jaune avec 37,3% des 859,92 kg produits en 2022, selon la même source.

Seulement, le développent de cette commune ne suit pas le rythme de ces différentes exploitations parce que Batouri est toujours une zone enclavée et sous-développée malgré les efforts du gouvernement d’y construire des routes.

Le vœu le plus cher des populations de ces localités et bien d’autres est de faire sortir les enfants des champs miniers et de les scolariser. Le taux d’alphabétisation y est très bas. La région de l’Est figure parmi les 4 régions où le pourcentage d’enfants non scolarisés est important, soit 13,3%.

Par Jean-Paul Mbia (Yaounde, correspondance)
Le 08/09/2025 à 15h03