Cameroun. «Ils nous pillent pendant que nous sommes à l’église»: les voleurs de cacao redoublent de stratagèmes

Les producteurs de cacao victimes de vols organisés.

Le 26/10/2025 à 15h13

VidéoAu Cameroun comme à l’international, le prix du cacao a pris de l’altitude, de quoi donner le tournis à des individus peu recommandables. La fève, l’or brun des agriculteurs, attire la convoitise des voleurs qui rivalisent d’ingéniosité pour échapper à la vigilance de ceux qui ont sué eau et sang pour produire ces cabosses si chères aux agro-industriels.

«Nous ne savons plus sur quel pied danser dans ce village. Chaque année, nous sommes victimes du vol du cacao. Toutes nos plaintes dans les brigades de gendarmerie et les postes de police sont restées lettre morte». Ce sont là des propos d’un agriculteur rencontré à Nkolkougda 1 à une soixantaine de kilomètres de Yaoundé, un village de l’arrondissement d’Evodoula dans le département de la Lékié, région du Centre.

Dans ce village, les habitants vivent essentiellement de l’agriculture. Le cacao, qui est une culture de rente au Cameroun, y est également cultivé et représente 80% des revenus annuels des populations selon une mini-enquête menée par un groupe d’experts.

La saison cacaoyère est en cours au Cameroun. De nombreux agriculteurs sont d’ailleurs entrés dans la deuxième phase des récoltes, plus importante que la précédente. C’est au cours de cette deuxième phase que les récoltes permettent, par exemple, de remplir deux sacs de cacao de cent kilogrammes à huit voire plus.

Seulement, tous les agriculteurs ne jouissent pas entièrement du fruit de leurs efforts à cause du vol qui s’est enraciné dans presque tous les villages environnants.

Un autre habitant de ce village semble avoir compris le mode opératoire des voleurs: «Ce sont les jeunes de ce village qui s’associent généralement aux jeunes d’autres villages. Ils opèrent le plus souvent dans les plantations pendant que les populations dorment paisiblement au village. A l’aide de lampes torches, ils cueillent, décabossent et rentrent avec leur butin pour le proposer aux acheteurs ambulants. D’autres attendant que les habitants se rendent dans les églises les dimanches, pour commettre leur forfait», a-t-il déclaré.

Cette situation généralisée dans plusieurs villages inquiète les cacaoculteurs qui demandent un minimum de protection pour que leurs efforts ne soient plus vains.

Plusieurs dignitaires ont déjà entrepris des démarches vers les autorités administratives allant dans le sens d’interpeller les forces de l’ordre dont certains éléments sont soupçonnés de protéger les voleurs. «Plusieurs fois nous avons arrêté des voleurs ici au village, lesquels conduits à la brigade, sont revenus nous narguer. Il est temps que ça s’arrête», a-t-il conclu.

Pour rappel, la saison cacaoyère 2025-2026 a été officiellement lancée le 7 aout dernier. Le gouvernement avait fixé à 3.200 Fcfa le prix d’achat minimum le kilogramme, avec un plafond pouvant atteindre 5.400 Fcfa en raison de la demande internationale croissante.

Le Cameroun est un producteur majeur de cacao. Lors de la précédente campagne, la production a atteint un record de plus de 309.518 tonnes dépassant pour la première fois l’objectif de 300.000 tonnes.

A l’international, le cours de la fève a été multiplié par trois à fin 2024, atteignant 11.675 dollars la tonne. C’est pourquoi l’or brun attire plus que jamais les convoitises.

Par Jean-Paul Mbia (Yaounde, correspondance)
Le 26/10/2025 à 15h13