Cameroun: quand les cimetières ressuscitent le sens des affaires

Une cérémonie de deuil au Cameroun.

Le 13/10/2025 à 12h20

VidéoDes bars bruyants à réveiller un mort, des tombes transformées en étals de marché, des commerçants qui slaloment entre les sépultures... Dans un pays où les funérailles coûtent jusqu’à un million de FCFA, la dernière demeure est aussi le premier commerce.

Des étoffes rangées sur son bras gauche, d’autres produits posés sur sa tête, la jeune dame se faufile entre les groupes de personnes venus rendre un dernier hommage à leur ami ou connaissance. C’est en fait une commerçante qui a trouvé une occasion d’écouler sa marchandise. Cette image est celle vécue le week-end dernier à Nkolékotsing lors des obsèques d’un septuagénaire décédé deux semaines auparavant. Nkolékotsing est un village situé dans le département de la Lékié, région du centre-Cameroun.

Ces faits ne sont pas uniquement vécus dans ce village. Ils sont en réalité devenus vulgaires dans les quatre coins du pays. En clair, de nombreuses personnes profitent de plus en plus des cérémonies funèbres pour vendre leurs marchandises au mépris de la mémoire des personnes décédées. Ce phénomène offusque plusieurs citoyens comme dame Marie Ngono rencontrée à Yaoundé: «Les gens n’ont plus honte de rien. À notre époque cela n’était pas possible. Les lieux des deuils étaient pour nous les lieux de recueillement et de prières pour accompagner la personne décédée à sa dernière demeure. Aujourd’hui, les gens ouvrent des bars-restaurants et les animent pour attirer la clientèle. C’est malsain», a-t-elle déclaré.

Pour quelques-unes des personnes qui soutiennent ces entreprises sporadiques, il y a lieu de recadrer ces initiatives qui participent à une proportion variable, à la réussite de certaines obsèques. Dame Brigitte Abada en sait plus: «Il y a quelques semaines, j’ai organisé les obsèques de mon petit frère. Je vous jure que tous les gens qui sont venus m’assister à la veillée se ravitaillaient auprès de ces vendeurs. Ce qui m’a vraiment soulagée», a-t-elle laissé entendre.

Il faut relever qu’au Cameroun, les obsèques sont de plus en plus organisées comme des festivités. Les organisateurs vont de l’abattage des bêtes de grande importance, à l’achat des pagnes de circonstance, en passant par la location des fanfares, la mobilisation des orchestres de musique et les cortèges funèbres.

Le coût moyen de l’organisation des obsèques dans le pays varie d’une région à une autre. Dans les régions du Centre, du Littoral, du Sud et de l’Est, ce coût est estimé à plus d’un million de Fcfa en dehors du coût du cercueil.

Par Jean-Paul Mbia (Yaounde, correspondance)
Le 13/10/2025 à 12h20