Côte d’Ivoire. Imprudence: pourquoi les Abidjanais ignorent passages piétons et passerelles

À Abidjan, la circulation est un défi quotidien.

Le 24/08/2025 à 11h46

VidéoÀ Abidjan, capitale économique bouillonnante, la circulation est un défi quotidien. Les automobilistes se plaignent des embouteillages, les transporteurs de l’indiscipline des usagers, mais un autre danger persiste: celui des piétons qui bravent les voitures en traversant ignorant les passerelles et espaces piétons pourtant aménagés à leur intention.

Sur l’autoroute du Nord, à Adjamé ou encore à Yopougon jusqu’à Gonzaqueville, la scène est devenue banale. Des hommes, des femmes et parfois même des enfants courent entre les véhicules pour traverser la voie express. Les conducteurs, surpris, freinent brusquement, provoquant parfois des accidents en chaîne. Ce fut le cas de cet accident sur lequel nous sommes tombé à pique lors de reportage.

«Chaque jour, je vois des personnes se jeter littéralement sous les roues des voitures s’exposant à de risques mortels», raconte Sylvain, chauffeur de taxi.

Pourtant, des passerelles piétonnes existent sur ces voies dégagées afin de réduire ces risques. Mais ces infrastructures, même flambant neuf dans certains quartiers, restent parfois vides. Interrogés, des usagers avouent préférer «gagner du temps» en traversant directement la route au mépris des passerelles piétonnes.

«Monter et descendre le pont piéton, ça fatigue et ça rallonge le trajet. Ici, on va vite. Regardez sur l’autoroute du nord par exemple, du carrefour BEA jusqu’au carrefour de la fourrière, il n’y a pas de passages piétons, donc tous ceux qui sortent de la zone industrielle se voient obligés de traverser la voie express de l’autoroute, pour rallier l’autre côté. Ils auraient dû créer des bandes blanches pour le passage de nous qui sommes un peu éloignés des ponts piétons », confie Irié Bi Dieudonné, un habitué de ce comportement, à Yopougon Gesco.

Pourtant les chiffres des dégâts liés au non-respect des passages piétons sont alarmants. «Les usagers vulnérables dont font partie les piétions sont à hauteur de 61% des victimes des accidents de la circulation et les piétons à eux seuls constituent 40% des victimes», indiquent les autorités de la sécurité routière. Elles ne cessent également de rappeler que traverser les voies rapides sans passerelle est dangereux et interdit.

A cet effet, des campagnes de sensibilisation sont menées à chaque fois que l’occasion se présente, mais la discipline et le civisme restent difficiles à imposer.

«La vie n’a pas de prix. Il vaut mieux perdre deux minutes à emprunter une passerelle que de perdre sa vie sur la chaussée», conseille un machiniste de la SOTRA, témoin de l’accident sur l’autoroute.

La question dépasse donc la simple commodité. Il s’agit d’un enjeu de civisme et de sécurité routière. Un gain de temps au péril de sa vie ! Il faut une communication massive autour de cette préoccupation.

Afin de lutter contre ces cas d’inconduite, l’Etat, au nombre des initiatives prises, a instauré une sanction contre toute personne qui traverserait de manière irresponsable les grandes artères, assortie d’une amende de 2000 Fcfa. Reste maintenant que l’applicabilité de cette mesure soit effective afin de contraindre les piétons au respect du code de la route.

Selon l’Office de sécurité routière (OSER), le non-respect des passages piétons a causé plus de 1200 accidents de la circulation en 2024, avec plus d’une centaine de décès. Cependant le constat demeure malheureusement le même dans la capitale abidjanais, les passages piétons restent souvent ignorés au détriment des comportements à risque.

En attendant, chaque traversée imprudente reste une roulette russe. Comme le rappelle Marie Lydie, «Le goudron ne pardonne pas. Mieux vaut faire quelques pas de plus que de risquer sa vie inutilement».

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 24/08/2025 à 11h46