Côte d’Ivoire. Les manuels changent chaque année, les parents d’élèves n’ont pas voix au chapitre

Des manuels scolaires dans un marché abidjanais.

Le 25/09/2025 à 16h15

Elèves et parents peinent à mettre à la main sur les manuels scolaires exigés par les écoles. Et la raison est tout aussi simple qu’incroyable. Ces supports pédagogiques changent à chaque rentrée scolaire et les prix augmentent.

Chaque rentrée, les scolaires imposent une véritable épreuve aux familles. Dans les librairies d’Abidjan, la scène est devenue familière: des parents, liste des fournitures en main, arpentent désespérément les rayons à la recherche des manuels exigés par les établissements de leurs enfants. Problème, ces ouvrages changent presque chaque année, rendant inutilisables les anciens livres conservés par les aînés. Résultat: une flambée des prix et une course effrénée contre la montre.

«Rendez-vous compte. Nous vivons un bien curieux phénomène qui veut qu’un livre ne puisse pas servir deux années de suite. A chaque rentrée, nous devons en acheter de nouveau et qui ne seront plus au programme l’année d’après», déplore Losséni Doumbia, parent d’élève.

Aux marchés d’Abidjan comme dans les librairies, certains sont encore à la recherche des livres exigés par les enseignants, tandis que d’autres se plaignent du coût croissant de ces manuels. En effet, chaque année, les prix augmentent, et cette tendance ne fait que s’aggraver d’année en année.

«On ne comprend pas comment pour un seul pays, l’on peut avoir plusieurs éditions d’un même livre au programme. Tout est devenu du commerce maintenant. L’an dernier, j’avais acheté un manuel de mathématiques niveau CE1 à 1.500 francs. Cette année, le même livre a changé d’édition, et il coûte maintenant 2.500 francs. Je ne comprends pas pourquoi on nous impose toujours de nouvelles versions. Certains manuels demandés par les écoles n’existent pas sur le marché», lâche Ouattara Salimata, commerçante.

Au-delà de la rareté et du coût, une autre frustration nourrit la colère des parents: la suspicion d’un commerce parallèle. Certains enseignants sont accusés d’exiger l’achat de manuels directement à l’école, au prix fort. «C’est une véritable supercherie! Nous avons l’impression que l’éducation de nos enfants est devenue un marché. Des enseignants se transforment en commerçants», fustige un parent.

Beaucoup regrettent «le bon vieux temps» où les cadets pouvaient hériter des livres de leurs aînés, permettant d’alléger considérablement les dépenses scolaires. Aujourd’hui, cette pratique est devenue quasi impossible, les éditions étant systématiquement modifiées. «Avant, les grands donnaient leurs livres aux petits. Aujourd’hui, on nous impose de tout racheter. C’est injuste», regrette Ouattara Salimata.

Face à ce désarroi généralisé, les appels à une politique plus cohérente dans la gestion des manuels scolaires se multiplient. Beaucoup estiment qu’une stabilisation du programme sur plusieurs années permettrait de réduire les coûts et de réutiliser les livres d’un enfant à l’autre. En attendant, ce sont les parents qui, chaque rentrée, portent à bout de bras ce fardeau silencieux, avec pour seul objectif de garantir l’éducation de leurs enfants.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 25/09/2025 à 16h15