Côte d’Ivoire. «Nous avions peur de ses membres, mais ils portaient nos revendications»: le désarroi des étudiants, un an après la dissolution de leur syndicat

Porte d'entrée de l'Université Felix Houphouët-Boigny d'Abidjan

Le 23/05/2025 à 10h05

VidéoPrès d’un an après la dissolution de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), par le gouvernement suite à un incident qui s’est soldé par le décès d’un étudiant, les avis sont partagés au sein des universités. Si certains saluent la fin d’un climat de violences au sein même des campus, en revanche d’autres regrettent la disparition d’un syndicat, le seul à défendre les droits des élèves et étudiants.

Dès l’annonce de la dissolution, en novembre 2024, de la principale structure qui portait la voix des élèves et étudiants en Côte d’Ivoire, d’aucun avait salué cette décision eu égard aux «agissements» de certains membres de la FESCI jugés violents dans un espace dédié aux études.

À la cité universitaire d’Abobo, Bamba Sékou, étudiant en Licence 3 de Sociologie, se souvient de l’annonce de la dissolution avec une émotion mitigée, «On avait peur d’eux parfois, mais on savait aussi qu’en cas de problème, surtout face à une administration injuste, la FESCI était notre bouclier, notre défenseur. Aujourd’hui, on est livré à nous-mêmes», confie-t-il.

Mais aujourd’hui la réalité est toute autre. Depuis la dissolution de la FESCI, et comme en témoignent certains étudiants, l’atmosphère est à l’apaisement dans les campus: plus de bagarres, d’intrusions dans les amphithéâtres, de manifestations inopinées… Mais derrière cette accalmie apparente, certains étudiants dénoncent un recul des libertés et une peur de revendiquer.

Au sein de l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, plusieurs confirment ce paradoxe. «La FESCI était à l’origine de certaines dérives, je ne le nie pas. Mais c’était aussi l’interface entre l’administration et nous les étudiants. Ses membres pouvaient mobiliser, encadrer et même désamorcer des tensions, dénoncer les injustices faites aux étudiants. Aujourd’hui, les frustrations s’accumulent en silence», confie Kouassi Anderson, Etudiant.

Un mal nécessaire ?

Dans les cités universitaires, les doléances n’ont pas disparu. Problèmes d’eau, pannes d’électricité, retards dans le paiement des bourses… Autant de sujets qui, autrefois, faisaient l’objet de sit-in ou de grève à l’appel de la FESCI. «Voilà presque deux ans que certaines bourses ne sont pas payées. L’eau que nous consommons dans les chambres en cité n’est pas salubre. Si la FESCI était encore active, des solutions auraient déjà été trouvées», note Mariam Kamagaté, étudiante en Master de communication.

Le revers de la médaille, c’est qu’en l’absence de la FESCI, les élèves et étudiants ne disposent plus de plateforme d’expression et de défense de leurs droits à même de porter leurs revendications. Ils sont désormais livrés à eux-mêmes.

Le débat divise. Certains pensent que la dissolution était salutaire, d’autres la jugent mal planifiée. Un ancien responsable du bureau local de la FESCI, reconverti aujourd’hui dans l’enseignement privé, défend l’utilité du syndicat: «Oui, des abus ont existé. Mais fallait-il tuer l’organisation? La FESCI est née d’un besoin réel. Ce besoin existe encore aujourd’hui. Et personne ne pourra revendiquer pour eux. Je pense que ce n’est pas la fin de la FESCI qui garantira la paix sur les campus, mais une vraie réforme du dialogue entre étudiants, enseignants et administration», est-il intervenu sous couvert de l’anonymat.

Pour sa part, l’État a promis la mise en place de structures représentatives plus encadrées, apolitiques et non violentes... les année venir. Sept mois après, ces alternatives peinent à voir le jour ou à convaincre les étudiants.

En attendant de trouver un cadre plus conventionnel, une plateforme qui porterait leur voix dans les établissements, les élèves et étudiants regrettent la dissolution de la FESCI qui était perçue comme un mal nécessaire.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 23/05/2025 à 10h05