Dakar: de lieu de plaisance à mouroir, les plages continuent d’engloutir des vies

Une énième noyade sur une plage de Dakar.

Le 23/09/2025 à 08h36

VidéoCourant marin fort, plages interdites à la baignade prises d’assaut, estivants imprudents, sapeurs-pompiers et maîtres-nageurs dépassés... Chaque été, c’est la ruée vers les «plages de la mort» dans un pays aux 700 km de côtes mais où la majeure partie des habitants ne savent pas nager.

Du 24 mai au 21 août 2025, la Brigade nationale des sapeurs-pompiers est intervenue à 90 reprises au niveau national et recensé 34 décès dues à des noyades en mer. Avec 65 interventions, 74 personnes ont pu être sauvées ce qui n’a pas été le cas de onze autres qui ont perdu la vie.

Selon Serigne Fall, agent de la Croix-Rouge à la plage du Lac Rose, plusieurs facteurs expliquent cette tragédie récurrente «dans cette plage, où la baignade est interdite, il y a toujours beaucoup de monde, ce qui nous complique la tâche. De plus, les jeunes sont parfois têtus. En tant qu’agents de la Croix-Rouge, nous sensibilisons la population sur les dangers de la baignade, mais malheureusement, on ne nous écoute pas», se désole-t-il.

En plus d’être «entêtés», beaucoup de ces jeunes semblent ne pas savoir nager «Malgré les 700 km de côtes que compte le Sénégal, la «majeure partie» de ses 16 millions d’habitants «ne savent pas nager», soulignait en 2021 auprès de l’AFP le président de l’Association nationale des maîtres-nageurs et surveillants de baignade, Ibrahima Fall.

Face au fléau des noyades en mer, les maîtres-nageurs, se sentent souvent démunis à l’image des sapeurs-pompiers.

Cheikh Gadiaga est l’un de ceux qui ont la charge de porter secours aux baigneurs en difficulté: «on a du mal à contrôler les gens, ils sont tellement nombreux qu’il devient très difficile de surveiller tout le monde. Lorsqu’un cas est signalé, il nous arrive d’être dépassés. Notre principale difficulté reste le manque de moyens de déplacement pour intervenir rapidement».

Face à cette série noire, les acteurs de terrain tirent la sonnette d’alarme et appellent à une réaction rapide des autorités. «Nous n’avons aucun moyen de déplacement pour assurer les évacuations. Le plus souvent, nous sommes obligés de marcher. Les autorités municipales comme étatiques doivent nous accompagner, ne serait-ce qu’en installant un poste permanent de la brigade des sapeurs-pompiers», explique Serigne Fall.

Même son de cloche chez Cheikh Gadiaga. «Ce qui est urgent pour nous, c’est le matériel. Le courant est très fort et sans les moyens adaptés, nous ne pouvons pas travailler convenablement. Ces nombreux cas de noyade en sont la preuve: avec le matériel adéquat, la situation aurait pu être différente

Avec plusieurs plages de Dakar désormais interdites à la baignade, la mer continue pourtant d’attirer des foules, surtout en cette période de vacances. Mais derrière ce loisir, le danger reste bien réel: seule une véritable prévention peut éviter que d’autres vies ne soient englouties.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 23/09/2025 à 08h36