Enquête. Caille, pigeon, lapin: de la ferme à la braise, suivez le cheminement de ces saveurs peu connues à Conakry

Le 21/11/2025 à 10h25

VidéoFace à un marché dominé par le poulet, de jeunes entrepreneurs tentent une alternative pleine de saveurs localement peu connues: cailles, pigeons et lapins braisés. Mais ce menu sera-t-il en mesure d’aiguiser l’appétit des consommateurs rebutés par les prix élevés? Le360 a enquêté auprès de chaque maillon de la chaîne.

Des jeunes entrepreneurs qui se sont lancés dans le commerce des cailles, pigeons et lapins braisés ont organisé une démonstration «à domicile», histoire de montrer leur savoir-faire malgré les innombrables difficultés.

Autour d’un petit fourneau improvisé, l’un d’eux, Abdoul Salam Baldé explique le projet. «Il nous tenait à cœur de faire connaître ces spécialités aux Guinéens, c’est devenu notre passion. L’autre raison de ce choix tient du fait que les Guinéens préfèrent le poulet, une chair trop grasse. Alors, nous avons décidé d’opter pour une alimentation saine, comme le lapin, la caille et le pigeon. Nous écoulons nos produits essentiellement en ligne».

Sur une journée normale, ils revendiquent une dizaine de clients. Trois cailles sont vendues à 180.000 francs guinéens (1 euro= 10.060 francs guinéens), les lapins coûtent environ 250.000 francs guinéens. Ce sont des viandes riches en protéines mais encore peu connues que ces entrepreneurs tentent de populariser.

Cependant, ce business est parsemé d’embuches, confie Abdoul Salam. «Les prix sont exorbitants en raison de la rareté des produits, ce qui n’est pas le cas du poulet. De plus, les clients veulent de grandes quantités de viande, malheureusement les cailles sont plutôt petites. Mais dans l’ensemble, nous arrivons à nous en sortir».

Braiser ces produits exige une technique particulière, bien différente de la préparation du poulet, tient à préciser Fatoumata Diaraye Diallo, restauratrice à Conakry. «Côté préparation, c’est un peu différent. C’est juste qu’on doit les préparer avec un peu d’eau, du poivre, ainsi que tous les ingrédients essentiels pour mieux relever le goût. Après, on passe à la grillade des cailles, pigeons et lapins. C’est une viande qui n’a pas de graisse. Mais ce n’est pas tout le monde qui connaît ça. En plus, c’est naturel», assure la cuisinière.

À la sortie de Conakry, dans la zone de Forécariah, nous retrouvons leur fournisseur, Souaradjo Akobi, promoteur de la ferme cunicole Bakoz: un éleveur de lapins qui tente de faire vivre son activité malgré la hausse des coûts.

«Je vends le kilo de viande de lapin à 170.000 francs guinéens, je reconnais que c’est ce qui fait fuir les clients. Mais peut-être que les gens ne sont pas habitués à consommer une telle viande. Mais les prix pratiqués ici ne sont pas plus élevés que ceux de la Côte d’Ivoire, du Bénin ou encore du Sénégal. Et puis, vous n’êtes pas sans ignorer que l’entrepreneuriat, c’est aussi une affaire de charges, plus elles sont élevées, plus les prix sont élevés».

Pour espérer se développer, ces acteurs de la filière en appellent à l’aide publique: soutien aux éleveurs, production de masse, meilleure sensibilisation des Guinées à d’autres saveurs... Une condition indispensable, selon eux, pour faire baisser les prix… et convaincre les consommateurs de goûter à autre chose que le traditionnel poulet.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 21/11/2025 à 10h25