«Quand on parle de terrorisme, on ne parle pas beaucoup des femmes», déplore la réalisatrice burkinabè Apolline Traoré, dont le long-métrage de fiction «Sira» a été sélectionné en compétition officielle du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco).
Dans ce film, «Sira», le personnage principal, est une jeune fille de 25 ans enlevée par des jihadistes, qui fait preuve de courage et d’intelligence pour survivre dans l’horreur.
En général, «quand on parle des femmes, elles sont victimes dans les camps de déplacés, on ne voit pas leurs actions», explique la réalisatrice.
Avec «Sira», elle souhaite au contraire montrer le «grand rôle» des femmes «dans cette lutte contre le terrorisme». «C’est tout ce que je pouvais faire», confie-t-elle.
La violence jihadiste qui frappe le Sahel depuis plus de dix ans a fait des dizaines de milliers de morts, dont plus de 10.000 au Burkina Faso.
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A travers le personnage de Sira, son tout premier rôle au cinéma, l’actrice burkinabè Nafissatou Cissé dit avoir voulu «donner une voix» à ces femmes et incarner «l’espoir». «J’ai du ressentir la rage et les autres émotions de ces femmes», explique-t--elle à l’AFP.
Dans son court-métrage‚ «L’envoyée de Dieu», la réalisatrice nigérienne Amina Mamani a également voulu montrer la puissance des femmes face à la violence jihadiste qui frappe aussi son pays.
Le personnage principal, une fillette d’une dizaine d’années, est enlevée en pleine nuit par des jihadistes pour commettre une attaque kamikaze sur un marché, mais elle en décidera autrement.
«Les terroristes utilisent les femmes. Les hommes se font tuer, mais les femmes sont kidnappées, mariées de force et violées, quand les jeunes filles sont choisies pour se faire exploser», souligne Amina.
«C’est très sensible»
D’autres films en compétition mettent en valeur des personnages féminins, comme «Epines du Sahel» du Burkinabè Boubakar Diallo, réalisateur connu du cinéma africain. Ce long-métrage de fiction témoigne de la ténacité d’une infirmière envoyée dans un camp de déplacés internes ayant fui la violence, quelque deux millions au Burkina.
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La réalité a parfois rattrapé les fictions des réalisateurs.
Apolline Traoré confie n’avoir pas «mesuré l’ampleur de la force» de son personnage principal, jusqu’à sa rencontre avec des femmes aux vies bouleversées par le jihadisme.
«Tout a basculé», dit-elle, notamment après le récit d’une «femme qui, avec une balle dans l’épaule et deux enfants», a cherché pendant «cinq jours où se réfugier». «Sira est encore trop petite à côté de ces femmes-là», estime t-elle.
Boubakar Diallo a de son côté travaillé avec des personnes déplacées qui, lors du tournage, «ont paniqué en voyant des militaires armés».
Il a fallu «les mettre en confiance», explique celui qui a voulu raconter les violences jihadistes, un «sujet incontournable dans le quotidien» des Burkinabè.
Après l’attaque de Solhan, en juin 2021, la plus meurtrière de l’histoire du Burkina (au moins 132 morts) le gouvernement n’a pas renouvelé l’autorisation du tournage de «Sira», dans le nord du pays.
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En 20 ans de carrière, Apolline Traoré dit n’avoir jamais eu «aussi peur de montrer» un film. «C’est très sensible, et frais dans le cœur des Burkinabè et des Sahéliens», explique la réalisatrice.
Elle qui compte parmi les favorites du public pour l’Etalon d’Or, la récompense suprême du Fespaco décernée samedi, se félicite déjà d’avoir «déjà gagné» l’engouement des spectateurs.