FM6OA. Islam et paix sociale: à Kigali, les oulémas africains en appellent aux valeurs morales

Le Mufti du Rwanda, Cheikh Musa Sindayigaya, lors du symposium scientifique organisé à Kigali le 19 juillet 2025, par la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains.

Le 20/07/2025 à 11h36

VidéoÀ l’occasion d’un symposium scientifique organisé à Kigali, le 19 juillet 2025, par la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains, sur le thème: «Les valeurs morales en Islam et leur impact sur la paix sociale en Afrique», des oulémas venus de plusieurs pays africains ont mis en lumière le rôle central des valeurs morales de l’islam dans la consolidation de la paix sociale en Afrique. Appelant à recentrer le discours religieux sur les jeunes générations, les participants ont également salué l’exemple du Rwanda en matière de réconciliation.

C’est à Kigali, capitale du Rwanda, qu’a eu lieu ce 19 juillet le premier Symposium Scientifique International sur les valeurs morales en Islam et leur impact sur la paix sociale en Afrique. Cette rencontre de haut niveau est organisée par la Fondation Mohammed VI des Ouléma africains. Objectif: interroger la place de l’éthique islamique dans les processus de consolidation de la paix, particulièrement dans un continent où les conflits communautaires et la fragilité sociale demeurent des enjeux majeurs.

Dans son discours d’ouverture, Mohammed Rifki, secrétaire général de la Fondation, a insisté sur la nécessité d’adapter le message religieux aux réalités contemporaines. Il a également souligné l’enjeu central du symposium:

«Ce colloque est très important dans la mesure où il met l’accent sur ce qu’on doit retenir des préceptes religieux pour préserver nos sociétés africaines, pour encourager la coexistence pacifique, ethnique et langagière, entre autres».

Il a cité le Rwanda comme modèle à méditer: «Ce pays a connu des atrocités qui ont mené à un génocide, mais à travers ses actions, sa conscience très élevée et des valeurs morales de très haut niveau, il s’est réconcilié pour reconstruire la paix», a déclaré Rifki. Ces valeurs morales font partie intégrante des missions confiées aux oulémas africains par le Roi Mohammed VI, président de la Fondation, qui avait déclaré que «l’action de paix, de sérénité et de développement humain est le rôle même suprême et essentiel des oulémas africains».

L’histoire de l’islam au Rwanda: un témoignage édifiant

Présent au symposium, le Mufti du Rwanda, Cheikh Musa Sindayigaya, est revenu sur l’arrivée de l’islam dans son pays et sur les enseignements que cette histoire peut encore apporter.

Selon lui, «les premiers musulmans venus au Rwanda étaient des commerçants arabes et indiens. Leurs employés rwandais ont embrassé l’islam non pas à travers des sermons, mais à travers l’exemple: leur honnêteté, leur sens de la justice et leurs comportements éthiques».

Cette entrée dans l’islam par les valeurs morales est au cœur même du thème du symposium, a précisé le mufti qui a également rappelé un épisode marquant de l’histoire récente du Rwanda: «Durant le génocide de 1994, la majorité des musulmans n’ont pas participé aux tueries, bien au contraire. Plusieurs d’entre eux ont protégé des Tutsis pourchassés, au nom des valeurs humaines de l’islam», a-t-il témoigné.

Aujourd’hui, les musulmans se sentent pleinement intégrés dans la société rwandaise, et cela aussi, dit-il, mérite d’être salué publiquement.

«Nous avons rappelé aux participants que le fait de remercier fait partie des valeurs de l’islam. Celui qui ne remercie pas les hommes ne peut remercier Dieu. En remerciant le président de la République et ceux qui ont instauré un leadership inclusif, nous suivons un enseignement du Prophète», a dit le mufti.

Il a aussi insisté sur la nécessité de transmettre ces valeurs aux jeunes générations: «Ce symposium a rassemblé de nombreux jeunes. Je leur ai partagé cette histoire pour qu’ils sachent d’où ils viennent et qu’ils comprennent que les valeurs de l’islam ne doivent pas rester dans les mosquées. Elles doivent se pratiquer au quotidien, dans nos familles, nos quartiers, pour faire de nous de bons voisins et des citoyens exemplaires.»

Jeunesse et islam: un appel à l’action

Tout au long des discussions, la jeunesse a été désignée comme l’axe stratégique d’intervention des oulémas africains. Pour Mohammed Rifki, c’est auprès d’eux que doivent être recentrés les efforts:

«C’est par la jeunesse que nous pouvons ancrer les valeurs de tolérance, de respect et d’humanité que porte l’islam. Le discours religieux ne peut être figé. Il doit s’adapter et répondre aux défis contemporains.»

Dans un continent où plus de 60% de la population ont moins de 25 ans, cette orientation est cruciale pour prévenir les dérives extrémistes et les fractures sociales.

Vers un islam africain bâtisseur de paix

Les organisateurs espèrent que ce symposium de Kigali deviendra un modèle de dialogue et de formation, favorisant un islam africain ouvert, enraciné et porteur de stabilité. Il s’agit d’unir les efforts des institutions religieuses, des décideurs politiques et de la société civile pour bâtir une paix durable fondée sur la justice, la fraternité et l’éducation.

Dans une Afrique où se croisent religions, langues et cultures, l’islam, par sa vision morale du monde, peut être un levier d’unité.

Ce symposium, le premier du genre en Afrique de l’Est, pourrait devenir un jalon important dans la refondation des liens religieux et culturels au service d’une paix durable. La Fondation Mohammed VI des oulémas africains espère ainsi créer une dynamique d’harmonisation des discours religieux à l’échelle continentale, en phase avec les défis de l’heure.

Par Fraterne Ndacyayisenga
Le 20/07/2025 à 11h36