«Pour montrer que c’est la solidarité nationale, (que) c’est la nation qui est en deuil aujourd’hui, à partir de demain (mardi) trois jours de deuil national seront proclamés (...) le drapeau national sera mis en berne», a dit le Premier ministre Amadou Oury Bah, dépêché à N’Zérékoré (sud-est) par le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya.
Les événements de dimanche, d’abord présentés comme des heurts entre supporteurs, ont été déclenchés par l’expulsion d’un ou deux joueurs et un penalty aux dépens de l’équipe de Labé à la fin de la partie l’opposant au onze local en finale d’un tournoi doté d’un trophée Mamadi Doumbouya, ont rapporté des témoins.
Des supporteurs ont envahi le terrain.
Les officiels présents, dont deux ministres, ont été empêchés de quitter les lieux, provoquant des jets de pierres et des tirs de lacrymogènes par les forces de sécurité, a raconté un témoin parlant sous le couvert de l’anonymat.
«La panique s’est rapidement installée, entraînant un mouvement de foule incontrôlable. Dans la bousculade, des personnes ont été piétinées ou blessées en tentant de fuir», a-t-il dit.
Une foule considérable se pressait dans le stade vétuste de la deuxième ville du pays, en Guinée forestière aux confins du Liberia et de la Côte d’Ivoire, et à 900 km et deux jours de route de la capitale Conakry, montrent des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux.
«Les milliers de personnes qui se trouvaient au stade ont été pris de panique et de peur. C’était le sauve-qui-peut», a relaté un responsable communal sous couvert d’anonymat.
Lire aussi : Guinée: des dizaines de morts dans des heurts lors d’un match de football
«Les manifestations de mécontentement vis-à-vis des décisions arbitrales ont entraîné des jets de pierre de la part des supporteurs, provoquant des bousculades mortelles», dit le gouvernement dans un communiqué.
«Les services hospitaliers font état d’un bilan provisoire de 56 morts et plusieurs blessés», ajoute-t-il.
Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des scènes de grande confusion, avec des personnes escaladant ce qui semble être les murs d’enceinte du stade pour s’en échapper, d’autres prenant la fuite en courant dans des nuages de poussière ou de gaz.
D’autres vidéos montrent de nombreux corps inertes allongés dans la rue ou les uns à côté des autres dans ce qui pourrait être des centres de soins.
Des médecins ont fait état dimanche auprès de l’AFP de dizaines de morts. L’accès à une information vérifiée est très compliqué dans cette zone éloignée.
Les médias en ligne ont fait état de services hospitaliers et d’une morgue saturés par l’afflux de blessés et de corps.
«Cynique» instrumentalisation
Le gouvernement «met tout en œuvre pour apporter les premières réponses à ce tragique événement», a dit dans un message le général Doumbouya.
Lire aussi : Congo: une journée de deuil national observée après la mort de 31 jeunes
Il a annoncé la formation d’une commission d’enquête «pour statuer sur les causes de cette tragédie et situer les responsabilités».
Le général Doumbouya appelle «au calme et à la sérénité», dans un pays pauvre malgré des ressources naturelles considérables, et à l’histoire contemporaine agitée.
La répression d’un rassemblement d’opposition dans un stade de Conakry avait fait au moins 156 morts en 2009, selon une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU.
Les tournois de foot, sport numéro un en Guinée, ou les rassemblements populaires en hommage au chef de la junte, se sont multipliés ces dernières semaines. Ils sont largement considérés comme relevant d’une campagne de promotion d’une candidature du général Doumbouya à une future présidentielle.
Le Front national de défense de la Constitution, une des dernières voix dissidentes à pouvoir encore se faire entendre en Guinée, a parlé de «campagne de propagande» dans un communiqué.
Il «tient Mamadi Doumbouya et son gouvernement (pour) directement responsables de cette catastrophe qui a coûté la vie à des citoyens innocents, parmi lesquels de nombreux enfants». «Cela démontre une instrumentalisation cynique du sport par la junte», ajoute-t-il.
Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir par la force en septembre 2021 en renversant le président civil Alpha Condé. La junte s’était initialement engagée, sous la pression internationale, à céder la place à des civils élus avant fin 2024. Elle a fait savoir depuis qu’elle manquerait à sa promesse.
Alpha Condé a exprimé sur les réseaux sociaux «une indignation sans borne». «Dans un contexte où le pays est déjà marqué par des tensions et des restrictions, ce drame met en exergue les dangers d’une organisation irresponsable et d’un manque de préparation adéquate», a-t-il dit.