Immatriculation des deux-roues au Sénégal: le oui mais des professionnels

L'immatriculation des motos face à la réticence des professionnels.

Le 09/01/2025 à 11h45

VidéoAu 13 mars prochain, toute moto non immatriculée sera mise en fourrière. Cette décision du gouvernement ne semble pas au goût des conducteurs des motos-taxis, un des moyens de transport le plus populaire au Sénégal, qui y voient des tracasseries policières de plus et des déplacements longs et coûteux en raison de la centralisation du centre d’immatriculation dans la seule ville de Dakar.

Rapides, flexibles, disponibles à tout instant même dans les quartiers difficiles d’accès, les motos-taxis au coût abordable se sont imposées comme le moyen de transport des plus prisés des Dakarois. Mais la prolifération des deux-roues a poussé le ministère des Infrastructures et des Transports terrestres et aérien à mettre de l’ordre en imposant pour chaque engin une plaque minéralogique, rendue obligatoire à partir du 13 mars prochain.

Pour Souleymane Diallo, conducteur de mototaxi, le délai de trois mois accordé pour l’immatriculation est «raisonnable». Cependant, il dénonce une procédure inadaptée et surtout inaccessible pour beaucoup. «Les frais liés à l’immatriculation et à la mise en conformité de nos motos sont hors de portée pour nous, petits travailleurs. Nous n’avons pas les moyens pour couvrir toutes ces dépenses», déclare-t-il. Ile ne le sait peut-être pas, mais l’immatriculation des véhicules en question se fait gratuitement.

Comment se débrouille-t-on alors lorsqu’on fait partie des 34,4% des jeunes sénégalais qui sont au chômage? Comme beaucoup d’autres, Souleymane exerce ce métier faute de mieux et peine, dit-il, à dégager des revenus suffisants. Au Sénégal, le chômage des jeunes est le chantier par excellence des nouvelles autorités. Au deuxième trimestre de l’année 2024, les jeunes qui sont ni en études, ni en emploi, ni en formation ont représenté 30,7% de la population âgée de 15 à 24 ans.

En plus, les professionnels du secteur se plaignent de la centralisation des services d’immatriculation dans la seule ville de Dakar. Ce que son confrère Alioune Seck n’a pas manqué de critiquer vivement, «pourquoi centraliser un service aussi essentiel dans une seule ville? On devrait avoir plusieurs antennes dans les départements pour faciliter la procédure», affirme Alioune Seck.

Selon eux, cette centralisation engendre des files d’attente interminables et des déplacements coûteux pour les conducteurs venus des banlieues ou des régions.

En plus des défis liés à la réglementation, les conducteurs dénoncent les tracasseries policières qu’ils disent subir quotidiennement. Souleymane Keita, également conducteur de mototaxi décrit une situation intenable. «Les policiers nous arrêtent à chaque coin de rue, exigent de l’argent et, si on refuse de payer, nous sommes conduits directement au commissariat.»

Ces pratiques, combinées aux exigences administratives, plongent les conducteurs dans une précarité encore plus grande. Derrière ces revendications se cache une réalité sociale préoccupante.

À Dakar, les motos-taxis représentent une opportunité de travail pour des milliers de jeunes en quête d’emploi. Confrontés au chômage, beaucoup se tournent vers ce métier pour subvenir aux besoins de leur famille.

Selon l’Agence nationale de la sécurité routière, chaque année, des dizaines de conducteurs de motocyclettes sont victimes ou à l’origine d’accidents de la circulation. Très peu sont couverts par une assurance.


Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 09/01/2025 à 11h45