Inondations à Conakry: maisons englouties, vies brisées et souvenirs emportés par les eaux

Le 07/08/2025 à 12h18

VidéoÀ Conakry, les récentes inondations ont ravagé des quartiers entiers, transformant les maisons en ruines et les rues en marécages. Dix-huit personnes ont perdu la vie, des centaines d’autres ont été déplacées. Dans ce paysage de désolation, certains habitants reviennent sur les lieux de leur passé, confrontés à la disparition soudaine de tout un pan de leur vie.

Ce décor chaotique n’a rien d’un film. C’est la triste réalité engendrée par les pluies diluviennes qui s’abattent sur la capitale guinéenne depuis le 1er août. Des pans de murs effondrés, des véhicules ensevelis sous la boue, des maisons méconnaissables…

Le constat est accablant. Parmi les sinistrés, Ibrahima Kalil Daby, habitant de Kissosso, revient pour la première fois sur les lieux. De sa maison, il ne reste que des gravats, du silence et des souvenirs noyés: «Voir tout ce matériel perdu... Certes, il n’y a pas eu de perte en vie humaine dans ma famille. Mais tous ces biens, acquis au fil des années, sont partis en un clin d’œil. C’est attristant. On se sent impuissant. C’est une force qui nous dépasse»,confie-t-il, le regard perdu.

Sous le pont de Kissosso, où il passait son enfance à nager dans ce qui n’était alors qu’une simple mare, coule aujourd’hui un torrent destructeur: «Ça fait trois ans de suite que l’eau envahit nos habitations ici. On jouait juste là au foot. Aujourd’hui, on ne peut même plus poser le pied. C’est triste. Ça fait mal».

Le dernier bilan officiel, publié dans la soirée du lundi 4 août 2025 par l’Agence nationale de gestion des catastrophes humanitaires (ANGUCH), fait état de 18 morts, des milliers de déplacés et de nombreuses infrastructures détruites ou impraticables.

Comme beaucoup, Daby ignorait que sa maison avait été construite sur le lit d’un ancien fleuve. Une implantation rendue possible par l’urbanisation anarchique et l’absence de planification du territoire.

Face à ce drame, les appels à une meilleure cartographie des zones à risques, à des politiques d’urbanisme durables et à un relogement digne se multiplient: «Moi, j’ai surtout de la peine pour les enfants, qui sont complètement innocents. Mais les adultes savaient que ces maisons étaient construites sur le lit d’un fleuve. C’est sa voie naturelle, vous voyez? Les grands peuvent grimper sur un toit ou s’agripper à une charpente. Les petits, eux, non»,déplore Lamine Camara, agent de nettoyage.

Le quartier de Kissosso, l’un des plus densément peuplés de Conakry, reste l’un des plus durement touchés. Ce qui n’était autrefois qu’un phénomène exceptionnel devient récurrent. Si les défaillances de la politique d’urbanisation sont pointées du doigt, beaucoup voient dans ces catastrophes les effets directs du changement climatique.

Aujourd’hui, une certitude semble faire consensus parmi les sinistrés: la nature finit toujours par reprendre ses droits — parfois, au prix de vies humaines.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 07/08/2025 à 12h18