«Au titre du ministère de l’Intérieur et de la sécurité en liaison avec les ministères concernés, le conseil a adopté un décret portant dissolution d’associations d’élèves et étudiants à caractère syndical», annonçait Amadou Coulibaly, ministre de la Communication et porte-parole, soulignant que « cette décision a été prise en application de l’article 22 de l’ordonnance 2024-368 du 12 juin 2024 relative à l’organisation de la société civile», déclarait Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement.
Le 17 octobre dernier, gouvernement ivoirien entérinait donc sa décision de mettre fin à l’existence de la Fesci et de toutes les associations d’élèves et d’étudiants à caractère syndical au sein des universités. C’était à l’issue du dernier Conseil des ministres, une décision qui frappe de plein-fouet la Fesci (le tout puissant syndicat estudiantin fondé dans les années 90), prête à beaucoup d’interprétations et suscite des réactions contrastées.
Cette mesure drastique intervient après une recrudescence d’actes de violence sur les campus universitaires, dont le décès tragique de certains étudiants. Parmi eux, un secrétaire général de section, dont la mort a choqué l’opinion publique et relancé les débats sur la sécurité dans les milieux universitaires.
Un bulldozer démolit les baraques et cantines installées par les étudiants à l'intérieur de la cité universitaire de Cocody.. le360 Afrique/djidja
De nombreux parents d’étudiants et d’élèves voient dans cette dissolution une solution salutaire espérée depuis longtemps offrant une opportunité à leurs enfants de mieux se concentrer sur leurs études. «Les campus universitaires devraient être des lieux d’apprentissage et de quiétude, pas de violence», dit Gervais Kouakou, parent d’un étudiant à l’Université de Cocody.
Pour beaucoup, la dissolution de la Fesci et des autres associations syndicales est un espoir de retour à la sérénité et un moyen de mettre fin aux incidents violents qui rythment la vie des campus depuis des décennies. Plusieurs témoignages révèlent que ces parents et étudiants voient dans cette mesure un coup de grâce pour leurs enfants de mieux se concentrer sur leurs études, à l’abri des pressions syndicales et des conflits.
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Toutefois, cette décision soulève des craintes parmi les étudiants eux-mêmes. D’autres estiment que les associations syndicales surtout la Fesci, bien que souvent décriées, représentent un rempart essentiel face aux difficultés qu’ils rencontrent au sein des universités: surcharges des amphithéâtres, manque de ressources pédagogiques et absence d’infrastructures adéquates. Malgré ses controverses, ce syndicat a longtemps joué ce rôle d’intermédiaire entre les étudiants et l’administration universitaire.
Ils apprécient moins cette décision de dissolution, qu’ils considèrent comme une atteinte aux droits des étudiants. «Certes, il y a eu des débordements, mais sans les associations, que va-t-il advenir des revendications des étudiants sur les conditions de vie et d’étude ? Qui nous défendra face aux abus, qui va défendre nos droits?» s’interroge un groupe d’élève de la commune de Yopougon.
Comme eux, d’autres encore craignent que l’absence de ces structures fragilise la protection des droits étudiants, laissant les jeunes sans recours face aux défis rencontrés dans le système éducatif. Car, malgré ses dérives et ses pratiques violentes, la Fesci a su s’imposer depuis sa création en 1990 comme une institution indispensable pour les étudiants.
De leur côté, les responsables de la l’organisation de la société civile réclament un équilibre de les punitions liées à cette affaire, « il ne faut pas seulement s’arrêter à la dissolution des syndicats d’étudiants et d’élèves, mais il faut aller plus loin. Il faut donc que ceux qui sont responsables des étudiants dans les universités à savoir le CROU (Centre régional des œuvres universitaires) et le ministère de tutelle soient également interpelés par des mesures de condamnation (…) », explique Michel Béta, Analyste politique.
Alors que certains étudiants et parents espèrent qu’une nouvelle génération d’organisations, plus pacifiques et structurées, verra le jour, plusieurs pensent qu’il est indispensable de réformer en profondeur ces structures plutôt que de les interdire. La question reste entière et fait débat au sein de la société ivoirienne, où chacun scrute les enjeux de cette mesure.
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Malgré ses dérives et ses pratiques violentes, la Fesci a su s’imposer depuis sa création en 1990 comme une structure indispensable pour les élèves et étudiants, capable de pallier les nombreuses insuffisances du système universitaire. Cependant en dissolvant ces syndicats au sein des universités et écoles, les autorités prennent ainsi des mesures pour rétablir la sécurité dans les établissements d’enseignement supérieur.
Alors que le débat est en encore sur les lèvres, la question de l’avenir de la représentation estudiantine en Côte d’Ivoire reste entière. La dissolution des associations syndicales suffira-t-elle à instaurer un climat stabilité, de quiétude sur les campus, ou faudra-t-il repenser la façon dont les étudiants sont encadrés et leurs voix entendues?
En attendant, cette dissolution marque une nouvelle ère pour les universités ivoiriennes, dont les défis en matière de gouvernance et de paix sociale restent d’une importance cruciale pour les années à venir.