En Algérie, les expulsions de migrants subsahariens vers le Niger se succèdent à une cadence soutenue après la période d’accalmie liée à la fermeture des frontières en raison de la pandémie du Covid-19. Selon les Nations unies, Alger a procédé à l’expulsion de dizaines de milliers de migrants irréguliers originaires d’Afrique de l’Ouest et centrale depuis 2014 vers le Niger, bafouant les règles les plus élémentaires en matière de respect des droits de l’homme.
Généralement arrêtés lors de rafles et de contrôles au faciès, les migrants subissent des brimades et traitement humiliants et dégradants, avant de vivre le drame de la traversée du désert, où nombre d’entre eux perdent la vie. Les récits de migrants expulsés de la sorte sont trop précis, trop nombreux pour n’être que des cas isolés, comme essaie de faire croire Alger en accusant les ONG de véhiculer des informations fallacieuses.
A ce titre, le récit d’Ahmed, jeune Guinéen de 15 ans qui se trouve actuellement à Niamey, au Niger, en attendant de pouvoir renter dans son pays avec l’aide de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), est glaçant. «Ça fait trois mois que je suis au Niger. Avant j’étais en Algérie. Ce n’est pas moi qui voulais partir, je me suis fait attraper. Je vivais en Algérie depuis 5 mois quand j’ai été arrêté», précise-t-il à Info Migrants. Selon lui, on l’a arrêté parce qu’il est «noir»: «Les policiers m’ont demandé mes papiers, mais je n’en avais pas, et je n’ai pas voulu leur montrer mon passeport parce qu’ils l’auraient déchiré. Ils me disaient “rentre en Afrique” et ils m’ont emmené en prison.»
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De nombreux migrants étaient incarcérés dans la prison d’Adrar, dans le sud de l’Algérie. «J’ai passé trois jours dans la prison d’Adrar avec d’autres personnes, puis on nous a emmenés à Tamanrasset. On est restés là-bas 3 heures, puis on nous a mis dans des camions et on a roulé jusqu’à un lieu, à 15 kilomètres de la ville nigérienne d’Assamaka(…)», détaille Ahmed, précisant qu’au total, ils étaient environ 400 personnes, dont des hommes, des femmes et des enfants. «Quand les Algériens nous ont déposés dans le désert, ils ont tiré deux coups de fusil en l’air pour nous faire peur. Ils ne nous disaient rien, à part “descends vite”. Ils nous ont laissé un peu de nourriture sur le sable et ils sont repartis tout de suite.»
Souvent, les migrants sont abandonnés en plein désert avec uniquement une bouteille d’eau et un bout de pain, ou même, parfois, sans eau ni nourriture, selon divers témoignages recensés par les ONG. Pourtant, ces migrants expulsés doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres sans avoir une idée claire de leur destination.
C’est ce qui est arrivé au groupe d’Ahmed. «On a marché de 5h à 8h du matin. A ce moment-là, on a croisé un camion et le conducteur nous a dit qu’on n’était pas dans la bonne direction pour aller à Assamaka. On a fait un détour et on est arrivés dans cette ville à 12h. On était épuisés. Le trajet a été difficile. Parfois des gens tombaient, mais on les relevait, et on se motivait pour continuer à marcher. S’arrêter, ça voulait dire être abandonné dans le désert», relate-t-il.
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Et dans ce no man’s land entre l’Algérie et le Niger, où le désert s’étend à l’infini, les migrants expulsés sont souvent rançonnés par des trafiquants ou par des groupes armés qui sont généralement les seuls à circuler dans cette zone. Certains témoignages de rescapés font état de traites d’êtres humains.
Après ce périple périlleux en Algérie et dans le désert nigérien, le jeune Guinéen et ses compagnons de fortune ont été accueillis à Assamaka par les représentants de l’OIM. L’organisme onusien dispose dans cette ville proche de l’Algérie d’un centre de transit qui apporte une assistance aux migrants expulsés par l’Algérie et souhaitant intégrer son programme d’aide au retour volontaire dans leur pays.
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Après 10 jours dans cette ville, Ahmed a été transféré à Arlit, puis à Agadez, avant de rejoindre Niamey, la capitale du Niger, où il séjourne depuis. Avec d’autres Guinéens, il attend que l’OIM rassemble les documents et les laissez-passer nécessaires pour rentrer dans son pays, d’où il est parti en 2020 en quête de l’eldorado européen. Il avait été encouragé dans cette aventure par un de ses amis qui a réussi la traversée en passant par l’Algérie pour rejoindre le Maroc, puis l’enclave de Sebta.
A travers ce récit, on voit bien les traitements infligés par les autorités algériennes aux migrants. Des traitements inhumains dénoncés par de nombreux organismes internationaux comme Human Rights Watch ou encore Médecins sans frontières, de même que des ONG algériennes. Ces traitements avaient d’ailleurs provoqué un mouvement de colère à Bamako en 2018, lorsque les expulsés et les populations avaient saccagé le bâtiment de l’ambassade d’Algérie à coup de jets de pierres et ont tenté de l’incendier pour protester contre les conditions inhumaines de reconduite à la frontière de leurs compatriotes par Alger.