Mauritanie: «L’absence de lois encourage le viol», des femmes indignées par la banalisation des violences sexuelles

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Le 04/01/2025 à 13h10

VidéoLe viol collectif attribué à quatre jeunes, en novembre dernier à Nouakchott, sur une jeune étudiante devant son père handicapé a particulièrement horrifié l’opinion mauritanienne notamment les milieux féministes révoltés par le blocage, depuis 2016, de la loi devant punir de tels crimes.

Le crime particulièrement horrible continue de révulser les Mauritaniens qui souhaitent que la main de la justice soit lourde contre les auteurs de telles agressions. En novembre dernier, Lalla âgée de 20 printemps, étudiante à l’université de Nouakchott, a été victime d’agressions sexuelles commises par trois jeunes hommes au domicile familial à Dar-Naim, un des quartiers populeux de la capitale. Le crime s’est déroulé sous les yeux du père que son handicap a empêché de porter secours à sa fille.

Devant une telle sauvagerie, la sociologue Djeynaba NDome déplore un phénomène récurrent mais relève une particularité choquante concernant le dernier cas en date. «Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Ces violences se produisent de manière continuelle. Par contre, l’aspect le plus révoltant de cette nouvelle affaire porte sur le mode opératoire: une jeune fille violée devant son père handicapé. Les agressions à caractère sexuel ne sont malheureusement pas un cas isolé que ce soit à Nouakchott ou à l’intérieur du pays. Des rapports relèvent 300 cas par an dont sont parfois victimes des mineures. Cependant, de nombreuses affaires similaires ne non pas déclarées par crainte de stigmatisation», regrette-t-elle.

Djeynaba NDome dit ne pas comprendre le blocage par des milieux conservateurs depuis 2016 de la loi contre le viol. Cette loi est pourtant conforme aux principes de la Charia. Quelle que soit la formulation du texte qu’il s’agisse de «Loi sur les violences contre le genre» ou «Loi contre la violence contre les femmes et les jeunes filles» ou encore «Loi Karama» ont toutes connu le même sort: rejetées par des milieux réfractaires à toute évolution et surtout par manque de volonté des autorités.

Sinya Aidara, activiste féministe, ne peut qu’aller dans le sens de la sociologue, révoltée qu’elle est par le mode opératoire du crime commis «devant le père de la victime, malade. Un papa incapable de venir au secours de sa fille, lui porter assistance, sous la menace d’une arme blanche par des jeunes âgés entre 16 et 18 ans. Un acte commis dans un contexte d’absence de loi contre les crimes sexuels

En réaction au viol de Lalla, les députés de la majorité appellent à modifier la législation nationale et considérer les viols comme crimes majeurs, la mise en place de tribunaux spécialisés pour résoudre rapidement les cas de violence à l’égard des femmes, le renforcement du rôle des institutions sécuritaires et judiciaires dans la lutte contre ce phénomène et le lancement de programmes nationaux de sensibilisation à la gravité des crimes violents perpétrés contre les femmes.

Par Amadou Seck (Nouakchott, correspondance)
Le 04/01/2025 à 13h10